Trois ans après l'attaque meurtrière contre l'ambassadeur américain en Libye à Benghazi, l'ancienne chef de la diplomatie Hillary Clinton est revenue jeudi au Congrès pour s'expliquer devant des républicains en quête de "vérité", mais accusés d'acharnement par les démocrates.
La favorite de l'investiture démocrate pour la Maison Blanche est arrivée dans une grande salle d'audition pleine à craquer, prête à témoigner pendant plusieurs heures devant la commission spéciale créée l'an dernier par la majorité républicaine de la Chambre des représentants pour enquêter sur la double attaque contre les intérêts américains à Benghazi, grande ville de l'Est libyen, la nuit du 11 septembre 2012.
L'ambassadeur américain Chris Stevens, un employé diplomatique et deux agents de la CIA avaient péri dans les attaques. Les assaillants, de présumés islamistes lourdement armés, avaient facilement violé l'enceinte diplomatique et incendié la villa de l'ambassadeur, puis attaqué l'annexe de la CIA au mortier. Une opération apparemment planifiée.
"Nous leur devons à eux, et à nous-mêmes, la vérité", a déclaré d'emblée le président de la commission, le républicain Trey Gowdy, en énumérant toutes les zones d'ombre qui entourent selon lui les actions de l'administration Obama avant, pendant et après les attaques.
"Quelles précautions avaient été prises au jour anniversaire des attentats du 11-Septembre?", a-t-il notamment demandé lors d'une déclaration combative, en dénonçant les tentatives supposées de l'exécutif pour bloquer l'enquête parlementaire.
Il est longuement revenu sur la deuxième affaire découverte pendant l'enquête: l'utilisation par Hillary Clinton d'une messagerie privée au lieu du compte gouvernemental --découverte parce que la commission a cherché à récupérer les communications de l'ex-secrétaire d'Etat relatives à la Libye.
Il a répondu aux accusations des démocrates, selon lesquelles l'enquête Benghazi est un prétexte pour nuire au meilleur espoir des démocrates à la présidentielle de 2016. "Je vous assure que ce n'est pas le cas", a dit Trey Gowdy. "Vous êtes un témoin important, mais seulement un témoin important parmi d'autres".
Hillary Clinton devrait assumer dans sa déclaration liminaire l'envoi de diplomates dans des zones dangereuses, selon le Wall Street Journal --des risques inhérents à l'engagement américain sur la scène internationale.
- Deuxième audition Clinton -
L'audition est un événement politique. Des dizaines de personnes ont fait la queue plus de deux heures auparavant dans l'espoir d'obtenir un siège dans la salle. La police, très présente, a dépêché des démineurs, et les chaînes d'information américaines retransmettaient l'audition en direct.
La prestation d'Hillary Clinton pourrait donner des munitions à ses adversaires en cas de maladresse, mais aussi la renforcer si les républicains se comportaient de façon trop partisane ou agressive, ou échouaient à découvrir de nouveaux faits.
Hillary Clinton a déjà témoigné devant les commissions des Affaires étrangères du Congrès pendant une journée en janvier 2013. Des auditions tendues, où elle avait dit assumer la responsabilité de l'incident.
Jeudi, elle devra une nouvelle fois expliquer aux élus pourquoi le département d'Etat avait refusé dans les mois précédents de renforcer le personnel de sécurité, malgré plusieurs attentats contre des diplomates étrangers.
Elle sera aussi pressée de justifier les déclarations initiales de l'administration Obama, qui avait expliqué qu'une manifestation avait dégénéré, peut-être à cause d'une vidéo islamophobe produite aux Etats-Unis et qui agitait le monde arabe ce jour-là. Cette explication visait pour les républicains à immuniser le président Barack Obama contre toute répercussion politique, à deux mois de la présidentielle.
Mais les démocrates font valoir que le département d'Etat a déjà accablé la bureaucratie diplomatique, dans un rapport datant de décembre 2012. D'autres rapports subséquents au Congrès n'ont jamais établi qu'Hillary Clinton avait personnellement refusé d'envoyer du renfort à Benghazi.
L'équipe de campagne d'Hillary Clinton sonne le rappel dans la presse et sur les réseaux sociaux. Elle encourage les soutiens de l'ex-secrétaire d'Etat à se manifester sur Twitter avec un mot-clé "Je suis avec elle" ("ImWithHer").
Le vent leur est favorable. Le chef de la majorité républicaine, Kevin McCarthy, a reconnu dans une interview que la commission avait été créée pour nuire à l'image d'Hillary Clinton - un incroyable aveu bien vite regretté, mais renouvelé par un deuxième républicain, Richard Hanna, dans une interview à la radio.