L'ex-chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton s'est pliée jeudi à un long interrogatoire des républicains du Congrès, qui l'accusent de négligence et de manipulation avant et après les attaques contre la mission diplomatique de Benghazi (Libye) en 2012.
L'enjeu de l'audition, qui durait depuis 10H00 (14H00 GMT) le matin, était éminemment politique. L'affaire Benghazi plane depuis trois ans au-dessus de la candidature de la démocrate à la présidentielle de 2016. Hillary Clinton espère que l'audition de jeudi sera un tournant et permettra de dissiper les théories du complot.
Patiemment, par moments avec une pointe d'agacement, Hillary Clinton a redit assumer la responsabilité des attaques du 11 septembre 2012. Des assaillants extrémistes avaient violé l'enceinte diplomatique, faiblement protégée, puis attaqué au mortier l'annexe de la CIA toute proche. L'ambassadeur américain, Chris Stevens, et trois Américains ont péri.
Les républicains de la commission d'enquête sur Benghazi, créée en 2014, reprochent à l'administration de Barack Obama d'avoir d'abord mis l'attaque sur le compte d'une manifestation spontanée, inspirée comme au Caire, par un film islamophobe produit aux Etats-Unis. Barack Obama était alors en pleine campagne pour sa réélection. Ce scénario s'est vite effondré.
"La Libye était censée être un grand succès de la Maison Blanche et du département d'Etat", a avancé le républicain Jim Jordan, lors d'un échange tendu. "Vous avez un attentat terroriste 56 jours avant les élections. Vous pouvez accepter une manifestation à propos d'une vidéo, ça ne vous nuit pas. Mais une attaque terroriste, si".
Hillary Clinton, face à sept républicains et cinq démocrates, n'a jamais perdu son sang-froid, contrairement à sa précédente audition en janvier 2013 quand, poussée à bout par un sénateur, elle avait levé la voix.
Elle a déploré une exploitation partisane de la tragédie. La voix émue, elle a raconté le brouillard des premières heures, sa "détresse" et ses efforts de toute une nuit pour sauver les Américains encerclés.
L'attentat contre les militaires américains à Beyrouth en 1983 ou les ambassades américaines en Afrique en 1998 n'avaient, eux, pas créé de divisions partisanes, selon elle.
- Altercation sur les emails -
Les républicains l'ont longuement interrogée pour comprendre pourquoi des demandes de sécurité supplémentaire pour Benghazi, les mois précédents, avaient été rejetées, malgré des attentats contre des diplomates étrangers.
Hillary Clinton a répondu que ces requêtes étaient traitées par les services de sécurité diplomatique, et que personne ne lui avait recommandé de fermer les installations de Benghazi --pas même l'ambassadeur Stevens.
Elle a élargi le débat en défendant l'intérêt "vital" d'une présence américaine dans cette ville, bastion de la révolution libyenne. "Nous connaissions les risques", a-t-elle insisté. Elle a toutefois reconnu l'incompétence des miliciens libyens embauchés pour sécuriser le complexe.
Les républicains étaient venus armés d'une pile de messages envoyés et reçus par Hillary Clinton, qu'ils ont fastidieusement épluchés en quête d'une preuve de négligence, mais sans trouver d'élément impliquant indiscutablement l'ex-secrétaire d'Etat.
L'affaire de la messagerie privée d'Hillary Clinton, préférée à un compte gouvernemental, a éclaté en mars dernier, soulevant des questions sur l'exhaustivité et la sécurité de ses archives. Le système a été découvert par les enquêteurs parlementaires qui réclamaient les communications d'Hillary Clinton relatives à la Libye.
Elle a averti que ces messages ne donnaient qu'une vision très partielle de ses actes.
Les démocrates ont profité de l'audition, retransmise sur plusieurs chaînes, pour dénoncer un acharnement politique contre la candidate présidentielle. L'enquête a duré plus longtemps que celle du scandale du Watergate dans les années 1970.
"C'est un procès. C'est un exercice partisan", a lancé le démocrate Adam Smith. "Nous n'avons rien appris de nouveau sur Benghazi".
Pendant plusieurs minutes, sous le regard amusé d'Hillary Clinton, une vive altercation a opposé le président républicain de la commission, Trey Gowdy, au démocrate Elijah Cummings.
"Ce n'est pas un procès", a maintenu Trey Gowdy, un ancien procureur, qui a fait valoir que la commission avait découvert de nombreux documents et ne cherchait "que la vérité". "Madame la secrétaire, aucun membre de cette commission n'est là pour enquêter sur vous ou votre email".
Mais les questions des républicains sur la "doctrine Clinton", son conseiller informel Sidney Blumenthal et d'autres considérations politiques ont apporté de l'eau au moulin des démocrates.
"Je pense que tout cela n'a absolument rien à voir avec ce dont nous sommes censés parler aujourd'hui", a dit Hillary Clinton.