La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé jeudi l'inculpation d'un jihadiste malien pour la destruction de mausolées appartenant au Patrimoine mondial de l'humanité à Tombouctou, qui sera donc le premier à être jugé par la CPI pour ce type de crime.
Ahmad Al Faqi Al Mahdi, un Touareg malien, un dirigeant du groupe jihadiste Ansar Dine à Tombouctou (nord-ouest du Mali) au moment des faits en 2012, sera renvoyé pour crime de guerre devant "une chambre de première instance en temps utile", a annoncé la CPI.
L'accusé, le premier jihadiste traduit devant la CPI, "a exprimé son désir de plaider coupable", là aussi une première pour cette juridiction, a indiqué la procureure de la CPI, Fatou Bensouda.
La destruction ou le saccage, à coups de pioche, de houe et de burin, à l'été 2012, de quatorze mausolées de saints musulmans de Tombouctou par les jihadistes qui contrôlaient alors le nord du Mali au nom de la lutte contre "l'idolâtrie" avait provoqué l'indignation à travers le monde.
Selon l'acte d'accusation - dont les preuves n'ont pas été contestées par la défense, indique la Cour - il a participé à toutes les étapes de la destruction, de la planification à l'exécution, en passant par le sermon du vendredi précédant l'attaque, qu'il a prononcé.
Les faits qui lui sont reprochés portent sur la destruction partielle ou totale de neuf mausolées et de la porte d'une des plus importantes mosquées Tombouctou, Sidi Yahia, entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.
Ahmad Al Faqi Al Mahdi, respecté dans la ville pour son autorité religieuse, "était une des recrues locales qui ont rejoint les groupes armés à Tombouctou et soutenu leur action" lorsque la ville est tombée aux mains de jihadistes liés à Al-Qaïda en 2012, d'après le texte de la décision.
"Il est devenu membre d'Ansar Dine au moment où il a accepté de devenir le chef de la hisbah", la brigade islamique de moeurs qu'il a lui-même mise en place en avril 2012, précise la Cour.
- Mausolées restaurés et resacralisés -
Les personnages vénérés enterrés dans les mausolées valent à Tombouctou son surnom de "cité des 333 saints" qui, selon des experts maliens de l'islam, sont considérés comme les protecteurs de la ville, susceptibles d'être sollicités pour les mariages, implorer la pluie, contre la disette, etc.
Ce sont ces rites, contraires à leur vision rigoriste de l'islam, que les jihadistes ont tenté d'éradiquer, avant d'en venir à la destruction des mausolées, selon la Cour.
"Les preuves montrent qu'après des tentatives initiales d'Ahmad Al Faqi Al Mahdi pour dissuader la population de suivre ses pratiques concernant les mausolées, la décision de leur destruction a été prise par Iyad Ag Ghaly", chef d'Ansar Dine, en concertation avec les principaux dirigeants d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), selon le texte.
L'Unesco a achevé à l'été 2015 la restauration à l'identique de 14 mausolées détruits de Tombouctou, avant une cérémonie de "sacralisation" le 4 février, symboles de la reconstruction du Mali.
Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg, tirant sa prospérité du commerce caravanier, Tombouctou est devenue un grand centre intellectuel de l'islam, qui a connu son apogée au XVe siècle. Elle est inscrite au Patrimoine mondial de l'humanité.
Les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda avaient pris le contrôle du nord du Mali en mars-avril 2012, après la déroute de l'armée face à la rébellion à dominante touareg.
Ces jihadistes ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale lancée en janvier 2013, à l'initiative de la France, et qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, malgré la signature en mai-juin 2015 d'un accord de paix entre le gouvernement, les groupes qui le soutiennent, et l'ex-rébellion, destiné à isoler définitivement les jihadistes.
C'est d'ailleurs à Tombouctou qu'une ressortissante suisse, amoureuse de la ville, brièvement enlevée en 2012 par les jihadistes, l'a été de nouveau le 7 janvier, un rapt revendiqué par Aqmi.