Le gouvernement serbe a déploré vendredi l'application d'une "justice sélective" de la part du TPIY qui a condamné l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic à 40 ans de prison pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre pendant la guerre de Bosnie (1992-95).
"Toute justice qui débouche sur la condamnation d'un seul peuple pour des crimes qui ont été commis par tous est sélective", a déclaré le ministre serbe de la Justice Nikola Selakovic, qui lisait devant la presse un communiqué du gouvernement.
Belgrade estime, d'une manière générale, que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) s'est appliqué à condamner les crimes commis par des Serbes mais n'a pas rendu justice pour des crimes contre des Serbes commis par les autres participants aux conflits qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie dans les années 1990.
Belgrade "ne souhaite réagir à aucun verdict en particulier" mais ressent "un goût amer" après les "nombreuses années de travail" du TPIY, a constaté le ministre.
Il s'exprimait après une réunion extraordinaire du gouvernement du Premier ministre Aleksandar Vucic consacrée au verdict prononcé à l'encontre de Radovan Karadzic, 70 ans.
"Nous ne permettrons à personne de prendre ce verdict comme un prétexte pour nous montrer du doigt", a-t-il poursuivi.
"Notre peuple a su reconnaître les victimes des autres (peuples) et leur rendre hommage d'une manière digne, mais personne d'autre dans la région n'a été en mesure de faire de la sorte lorsqu'il est question des victimes serbes", a ajouté M. Selakovic.
M. Vucic qui, contrairement à ses habitudes, ne s'est pas adressé à la presse vendredi, avait mis en garde la veille "tous ceux" qui seraient tentés de remettre en question l'existence de l'entité serbe en Bosnie après l'annonce du verdict contre Radovan Karadzic.
"Je mets en garde tous ceux qui penseraient prendre comme excuse le verdict d'aujourd'hui contre l'ancien président de la Republika srpska (RS, entité serbe en Bosnie, ndlr) pour une attaque contre elle. La Serbie, en vertu des accords de paix de Dayton, ne peut pas et permettra pas que cela se produise", a déclaré M. Vucic.
Le Premier ministre serbe a réitéré sa position vendredi, à l'issue d'une rencontre avec le patriarche de l'église orthodoxe serbe (SPC), Mgr Irinej.
En vertu des accords de paix de Dayton (Ohio/Etats Unis) qui ont mis fin au conflit, la Bosnie a été divisée en deux entités, l'une serbe, l'autre croato-musulmane, semi-indépendantes, reliées par de faibles institutions centrales.
"Les décisions du tribunal de la Haye ne contribuent pas à l'apaisement de la situation en Bosnie, mais à leur radicalisation", a déclaré en conférence de presse Mladen Ivanic, membre serbe de la présidence collégiale de Bosnie (serbe, croate, musulman).
"Au lieu d'avoir un apaisement de la situation politique, nous avons des tensions et des divisions plus profondes encore", a poursuivi M. Ivanic, en ajoutant qu'il est toutefois "encourageant" qu'il n'y ait pas eu de "grande euphorie" du côté des responsables politiques musulmans en raison du verdict.
La condamnation par le TPIY de Radovan Karadzic est "le plus important verdict depuis Nuremberg", a de son côté réagi Bakir Izetbegovic, le membre musulman de la président collégiale bosnienne.