OPINION

République centrafricaine : Priorité à la protection des civils et à la justice

République centrafricaine : Priorité à la protection des civils et à la justice©2013 Reuters
Le Président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, élu en février 2016, photographié le 5 janvier 2013 alors qu’il était Premier ministre et assistait à une manifestation organisée par des commerçants dans la capitale, Bangui.
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Le nouveau président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, devrait fixer la sécurité et la justice pour les graves atteintes aux droits humains comme priorités pour son gouvernement.

Touadéra, un ancien premier ministre, doit prendre ses fonctions le 30 mars 2016, après avoir remporté, le 14 février, le second tour de l’élection présidentielle. Sa nouvelle administration prendra le relais du gouvernement de transition, qui s’est heurté, ces deux dernières années, à des difficultés pour rétablir la sécurité et mettre fin aux violences sectaires.

« Il est nécessaire que le gouvernement agisse rapidement, avec le soutien de la communauté internationale, pour protéger les civils et mettre fin aux violations en cours », a déclaré Lewis Mudge, chercheur auprès de la division Afrique de Human Rights Watch. « Atténuer les tensions, œuvrer à la justice et à la réconciliation, et protéger les civils de nouvelles attaques et violences devrait être la première des priorités. »

La République centrafricaine est en crise depuis la fin 2012, lorsque les rebelles de la Séléka, principalement musulmans, ont renversé le gouvernement de François Bozizé, commettant des violations généralisées contre les civils. Mi-2013, des chrétiens et des animistes, regroupés dans les milices dites anti-balaka, ont à leur tour mené des attaques en guise de représailles à grande échelle contre des civils musulmans de Bangui et de régions occidentales du pays. Près d'un million de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers suite aux violences.

Les violences sectaires meurtrières se poursuivent dans la capitale, Bangui, et dans plusieurs zones du centre du pays. Ces derniers mois, les combattants de la Séléka, des musulmans armés et des combattants anti-balaka se sont livrés à des attaques en guise de représailles, provoquant des vagues d’assassinats autour de l'enclave musulmane « Kilomètre 5 » et dans la ville de Bambari.

L'amélioration de la sécurité passe par le désarmement des factions rebelles et le rétablissement des forces de sécurité. Pour ces deux tâches, il est nécessaire que le nouveau gouvernement s’appuie fortement sur la mission de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, qui compte 12 000 membres.

Le désarmement des factions rebelles et des groupes armés dans le pays n’a quasiment pas connu de progrès au cours des deux dernières années. Le programme de désarmement soutenu par la communauté internationale n’en est encore qu’aux premiers stades. Désarmer les combattants, et leur trouver de nouvelles occupations sera crucial pour mettre fin aux attaques contre des civils et rétablir le contrôle gouvernemental, selon Human Rights Watch.

L'armée nationale, la police et les autres forces de sécurité ont également besoin d'être réformées. Tout réarmement des militaires devra tenir compte des graves violations des droits humains que des soldats et leurs commandants ont peut-être commises pendant les violences ces dernières années. Un mécanisme de « vetting » (contrôle et vérification) est essentiel pour exclure de l’armée les soldats qui se sont rendus coupables de violations graves des droits humains, y compris ceux occupant des postes supérieurs. Cette procédure de vérification devra également veiller à ce que les nouvelles recrues ne soient pas responsables de crimes graves.

Au cours des 20 dernières années, la République centrafricaine a connu de nombreuses mutineries, rébellions et coups d’État. Presque aucun des responsables de violations généralisées des droits humains n’a été tenu pour responsable de ses actes. Les cycles d'impunité ont alimenté les abus en cours et enhardi ceux qui cherchent à prendre le pouvoir par la force, a déclaré Human Rights Watch.

Le nouveau gouvernement, qui héritera d'un système judiciaire congestionné et tout juste fonctionnel, aura besoin d'un soutien international pour veiller à ce que les auteurs de crimes pendant les violences soient tenus pour responsables de leurs actes.

Depuis septembre 2014, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) mène une deuxième enquête en République centrafricaine qui met l'accent sur les allégations de crimes commis dans le pays depuis août 2012. En juin 2015, la présidente de transition de la République centrafricaine a promulgué une loi visant à établir une Cour pénale spéciale, composée de personnel national et international, afin d'enquêter et d’ouvrir des poursuites judiciaires pour les crimes les plus graves perpétrés dans le pays depuis 2003, y compris les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.

La CPI n'a pas encore émis de mandats d'arrêt ou ouvert de procès, et la Cour pénale spéciale n’existe que sur le papier. La pleine coopération du gouvernement avec la CPI sera essentielle pour lui permettre de remplir ses objectifs. Le gouvernement devra également prendre les devants pour établir rapidement la Cour pénale spéciale. Enfin, le nouveau président devra s’engager à ce que son gouvernement soutienne le travail de la Cour pénale spéciale et demander aux bailleurs de fonds de mobiliser des ressources et une assistance technique pour garantir le bon fonctionnement de la Cour, a déclaré Human Rights Watch.

« La lutte contre l'impunité est une demande claire de la population et devrait résolument figurer à l'ordre du jour du nouveau gouvernement », a conclu Lewis Mudge. « La CPI et la nouvelle Cour pénale spéciale constituent la meilleure chance pour le pays de briser le long cycle de violences, de dissuader les crimes futurs et de faire en sorte que justice soit rendue aux victimes ».

L'article est publié par Human Rights Watch