Le procureur général du Burundi a appelé les familles de victimes d'exécutions extrajudiciaires présumées, qui viennent de saisir la Cour pénale internationale (CPI) et l'ONU, à plutôt déposer leurs plaintes auprès de ses services car ils seraient en train de se faire "manipuler".
M. Valentin Bagorikunda réagissait à la saisine de la CPI et du Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme vendredi par un collectif d'avocats agissant au nom de 60 familles, dont certains membres ont selon elles été victimes d'exécutions extrajudiciaires.
"Le procureur général invite toutes les familles des victimes (...) à venir déposer leurs plaintes et autres éléments de preuves afin que des enquêtes soient entamées", a-t-il indiqué dans un communiqué lu à la télévision nationale mardi soir et parvenu à l'AFP mercredi.
Bujumbura a nié jusqu'ici les cas d'exécutions extrajudiciaires dénoncés par plusieurs organisations des droits de l'Homme, accusant plutôt une partie de son opposition, désormais armée, d'être à l'origine de ces exactions.
"Si d'aventure certains faits infractionnels commis sur le territoire burundais n'ont pas fait l'objet de poursuites, c'est parce que (ils) n'ont pas été rapportés au ministère public", a justifié le procureur général, dénonçant "le risque de manipulation dont ils peuvent faire l'objet en confiant leurs plaintes à des gens qui ont d'autres agendas que la justice".
L'équipe d'avocats comprend Armel Niyongere, avocat au barreau du Burundi et grande figure de la société civile burundaise aujourd'hui en exil, Léon Lef Forster, avocat au barreau de Paris, et Bernard Maingain, avocat au barreau de Bruxelles très engagé dans de nombreux dossiers politiques. Selon M. Bagorikunda, Me Niyongere et Maingain font l'objet de poursuites judiciaires au Burundi.
Selon ces avocats, "la motivation des familles est de lutter contre l'impunité et d'amener un jour devant les cours et tribunaux les personnes qui ont participé à ces crimes, quelle que soit leur position actuelle dans l'appareil d'Etat burundais".
Le Burundi est plongé depuis plus de 10 mois dans une crise politique profonde, née de la volonté du président Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir pour un troisième mandat, qu'il a obtenu en juillet.
Les violences, désormais armées, ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 250.000 personnes à quitter le pays, alors que l'ONU et les organisations des droits de l'Homme ont dénoncé de nombreux cas d'arrestations arbitraires, de torture, de disparitions forcées, d'exécutions extrajudiciaires, ainsi que l'existence de fosses communes.