L'ultranationaliste serbe Vojislav Seselj a été acquitté jeudi par le TPIY de toutes les accusations qui pesaient contre lui pour son rôle dans les guerres qui déchirèrent l'ex-Yougoslavie dans les années 90, une décision surprise dénoncée par la Croatie.
Pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, "l'accusation n'a pas présenté de preuves suffisantes pour établir que les crimes ont été commis", a expliqué le juge Jean-claude Antonetti, lors du prononcé du jugement à La Haye.
"Avec cet acquittement sur l'ensemble des neuf chefs d'accusation, le mandat d'arrêt n'a plus d'objet: Vojislav Seselj est donc un homme libre à la suite de ce verdict", a-t-il ajouté.
Vojislav Seselj, ancien député serbe connu pour sa violence verbale, était accusé de crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour avoir, selon le procureur du TPIY, "propagé une politique visant à réunir tous +les territoires serbes+ dans un Etat serbe homogène, qu'il appelait la +Grande Serbie+".
Selon l'accusation, Seselj était donc responsable de multiples meurtres, persécutions, transferts forcés, et tortures notamment, commis en Bosnie, Croatie et Serbie.
Mais pour les juges du TPIY, bien que des crimes aient été commis, Vojislav Seselj n'était pas "le chef hiérarchique" des milices de son parti placées sous le contrôle de l'armée régulière, et ne peut donc pas être "pénalement responsable" de leurs actes.
Le dossier de l'accusation est basé sur des "confusions, des imprécisions et des ambigüités", ont ajouté les juges, accusant le bureau du procureur d'avoir eu une approche "maximaliste et fourre-tout".
Acquittement "honteux"
"De nombreuses victimes et communautés seront déçues par ce jugement", a regretté pour sa part le procureur du tribunal, le Belge Serge Brammertz.
"Nous allons examiner le raisonnement des juges et déterminer s'il y a lieu d'interjeter appel", a-t-il affirmé à des journalistes, ajoutant : "ce n'est pas la première fois que nous recevons un jugement surprise".
Vojislav Seselj, excusé à l'audience pour "des raisons de santé", a salué le comportement "honorable" des juges : "après tant de procès dans lesquels des Serbes innocents ont été condamnés à des peines draconiennes, il y a eu maintenant deux juges honorables et justes (...) qui ont montré que le professionnalisme et l'honneur sont au-dessus de toute pression politique".
La Croatie, elle, a dénoncé un verdict "honteux" : Seselj est l'homme "qui est l'auteur du mal et qui n'a montré aucun remords, ni à l'époque, ni aujourd'hui", a affirmé le Premier ministre Tihomir Oreskovic.
Ce jugement intervient une semaine après la condamnation de l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, à 40 ans de prison pour génocide et neuf autres accusations de crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
"Ferveur politique"
Vojislav Seselj était "animé de la ferveur politique de créer la Grande Serbie", ont convenu les juges, qui ont toutefois estimé que cela "ne procédait pas d'un dessein criminel". "La propagande d'une idéologie +nationaliste+ n'est pas en soi criminelle", ont-ils affirmé.
"Il existe une possibilité raisonnable que l'envoi de volontaires visait la protection des Serbes" et était motivé par "le soutien à l'effort de guerre", ont-ils ajouté, dans une décision prise à la majorité.
Faute de preuves, ils n'ont pas pu écarter la possibilité que les discours de Vojislav Seselj "étaient destinés à renforcer le moral des troupes de son camp plutôt qu'à les appeler à ne pas faire de quartier".
C'est la première fois que les juges du TPIY rendent un jugement de première instance en absence de l'accusé après avoir accepté ses "raisons de santé".
Seselj, 61 ans, s'était rendu volontairement au TPIY en 2003. Son procès s'était ouvert en 2007 et terminé en 2012.
Pendant son procès, il a été condamné à trois reprises - à deux ans, 18 mois et 15 mois de prison - après avoir divulgué des informations confidentielles concernant des témoins protégés qui avaient déposé.
Opéré d'un cancer du côlon à plusieurs reprises, il avait été libéré de manière provisoire en 2014.
Fin mars, Seselj, qui conduit la liste de son parti pour les législatives anticipées du 24 avril, avait défié l'Occident lors d'une manifestation en incendiant les drapeaux de l'Otan, de l'Union européenne, des États-Unis et du Kosovo.