La semaine de la justice transitionnelle : la victoire du Kenya ?

La semaine de la justice transitionnelle : la victoire du Kenya ?©TONY KARUMBA / AFP
Conférence de presse de William Ruto accompagné de sa famille le 8 avril
2 min 12Temps de lecture approximatif

L’annulation par la Cour Pénale Internationale (CPI) du procès du vice-président du Kenya William Ruto et de son co-accusé le journaliste Joshua Arap Sang a constitué le temps fort ou faible c’est selon de la justice transitionnelle cette semaine. Selon le juge Chile Eboe-Osuji, ce « mistrial » (annulation du procès) est dû à l’intimidation des témoins et aux ingérences politiques.

Techniquement, ce « mistrial » signifie que les deux hommes sont toujours passibles de poursuites pour « crimes contre l’humanité » pour leur rôle présumé dans les violences post-électorales en 2007 et 2008, si la CPI peut prouver que les deux hommes sont intervenus pour empêcher leur procès. Il reste que cet arrêt ne peut être vu que comme une victoire pour le pouvoir kenyan, une défaite pour la justice internationale et une déception pour les victimes. Le Président kenyan Uhuru Kenyatta avait déjà échappé et ceux que l’on avait appelés les « Ocampo Six » en référence au procureur de la CPI qui les avait inculpés ont ainsi échappé à la loi.

Tout comme Vojislav Seselj qui lui avait été acquitté par le Tribunal International pour l’ex-Yougoslavie, après avoir lui-aussi, intimidé les témoins et être intervenu dans la procédure.

Preuve une nouvelle fois qu’il est difficile pour les juges de poursuivre des hommes toujours au pouvoir comme on l’a vu au Kenya ou en Serbie.

D’autres critiques blâmeront dans les deux cas la faiblesse d'instructions légères et bâclées face à des régimes et des hommes prêts à user de tous les moyens légaux ou autres pour échapper à la justice.

Il n’est pas certain néamoins que ce « mistrial » soit une victoire pour le Kenya comme l’a dit le Président Kenyatta qui avait habilement fait de ce combat une « cause nationale ». La société civile, les associations de victimes kenyanes savent que cette impunité accordée de facto aux coupables présumés ne peut qu’encourager la récurrence des violences dans un pays divisé.

Comme le dit Elizabeth Evenson, de Human Rights Watch citée par Stéphanie Maupas, correspondante de Justieinfo.net à la Haye, « étant donné que le gouvernement kenyan n'a pas réussi à engager des poursuites au Kenya, la fin de cette affaire laisse les victimes privées de la justice et l'aide dont elles ont besoin ». Les violences avaient fait 1100 morts, 350 blessés et poussé 350 000 kenyans à l’exode, personne se sera condamné pour ces crimes, ni devant la CPI, ni devant la justice kenyane.

Comme l’écrit Pierre Hazan, conseiller éditorial, parlant du TPIY, mais la remarque s’applique à tous les pays sortant de conflits violents, « un tribunal international ne peut trouver sa véritable efficacité comme instrument de réconciliation que s’il s’inscrit dans un processus politique de rapprochement entre ex-ennemis infiniment plus vaste »

Dans un raccourci historique saisissant, cette même semaine, la présidence serbe a décoré Omar el-Béchir, réclamé par la CPI notamment pour génocide au Darfour, en expliquant que le chef de l'Etat soudanais n'avait pas reconnu l'indépendance du Kosovo.

Enfin, toujours sur un mode critique, Human Rights Watch a dénoncé la politique de la Tunisie envers les homosexuels pourchassés et harcelés sous le couvert d’une loi datant de la colonisation cinq ans après le début de la transition démocratique.