Dans l'attente des résultats, le taux de participation, un des enjeux de la présidentielle de dimanche en Côte d'Ivoire, donne lieu à une bataille de chiffres entre le pouvoir et l'opposition dont plusieurs candidats avaient appelé au boycott face au grand favori, le sortant Alassane Ouattara.
Cette élection, qui s'est déroulée sans incident majeur, a été jugée lundi crédible et "transparente" par les observateurs de l'Union Africaine et de la sous-région (UA et Cédéao) ainsi que par les Etats-Unis.
L'annonce officielle des résultats est attendue mardi mais d'ores et déjà, un des principaux candidats à la présidentielle Kouadio Konan Bertin, dit "KKB", figure de la vie politique ivoirienne, a félicité lundi soir le président sortant Alassane Ouattara.
"Au regard des résultats en notre possession, il semble évident que le candidat Alassane Ouattara est en train d'obtenir la majorité (...) je voudrais par conséquent lui adresser mes félicitations", a déclaré KKB, pour qui les observateurs pronostiquaient la 3e place.
La polémique est en tout cas lancée sur le taux de participation, un des principaux enjeux du scrutin. Une plateforme de la société civile la situe au tour de 53% alors que le pouvoir la place un cran au-dessus et que l'opposition la met à moins de 20%.
Trois candidats et une partie de l'opposition avaient appelé à boycotter l'élection, qualifiant le scrutin de "mascarade électorale". De son côté, le camp Ouattara, confiant dans sa victoire pour un nouveau mandat de cinq ans, avait identifié la participation comme déterminante pour la crédibilité de l'élection.
En début d'après-midi, le premier vice-président de la Commission électorale indépendante (CEI) Koné Sourou, a affirmé à des journalistes que le taux de participation "tourne autour de 60%".
Des membres de l'opposition ont aussitôt contesté le chiffre le qualifiant "d'irréaliste". En soirée, la Coalition nationale pour le changement (CNC), une coalition de l'opposition comprenant deux des candidats qui se sont retirés, a estimé que le taux de participation de "cette parodie d'élection (...) oscille entre 15 et 18%"
Le parti de Ouattara a défendu la position de la CEI à travers son porte-parole Joel N'Guessan: "Déjà les voix de l'opposition s'élèvent pour parler de manipulation (...) Le comportement de ces éternels perdants n'est pas digne ni responsable".
"Il n'est point question que les résultats provisoires ou définitifs (...) soient remis en cause de manière irresponsable et surtout sans preuves. La page des élections calamiteuses est tournée", a-t-il conclu.
Les observateurs s'attendaient à une faible participation, en tout cas bien inférieure à celle de 2010 lorsqu'elle avait frôlé les 80%. Ce chiffre "exceptionnel" correspondait à une élection de "sortie de crise" organisée après d'innombrables reports depuis 2005 et avec trois candidats majeurs (Ouattara et les anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, qui soutient aujourd'hui Ouattara), selon un haut responsable ivoirien.
Pour le résultat officiel, il faudra donc attendre mardi.
"L'issue est connue. On ne peut pas dire que le suspense soit haletant", a ironisé un observateur étranger misant sur la victoire dès le premier tour du président Ouattara, 73 ans.
L'opposant Pascal Affi N'Guessan, représentant du FPI, le parti de l'ancien président Gbagbo, devrait arriver en deuxième position sur un total de sept candidats. Une partie du FPI a appelé au boycott.
- 'Volonté du peuple ivoirien' -
Cette élection, dans la première économie d'Afrique de l'Ouest et leader mondial de la production de cacao, est considérée par la communauté internationale comme cruciale pour tourner définitivement la page des violences meurtrières (3000 morts en 5 mois) qui avaient suivi la victoire en 2010 de Ouattara sur son prédécesseur Gbagbo.
L'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, qui conduisait une délégation de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) s'est déclaré satisfait: "Les élections vont refléter la volonté du peuple de Côte d'Ivoire".
L'Union africaine et les Etats-Unis ont aussi validé le scrutin, l'ambassadeur américain "espérant que les résultats du premier tour qui seront annoncés soient acceptés par tous ceux qui contestaient le scrutin".
Parmi les problèmes recensés pendant le scrutin, de nombreux retards à l'ouverture des bureaux et des difficultés concernant les tablettes anti-fraude, a constaté l'AFP.
Grand absent du scrutin, l'ex-président Gbagbo attend son jugement pour crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale dans une cellule au Pays-Bas.