Les élections annulées à Zanzibar, les Etats-Unis « gravement alarmés »

Les élections annulées à Zanzibar, les Etats-Unis « gravement alarmés »©Leonie/CC
Résultats des élections Zanzibar
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Déjà palpable aux dernières heures de la campagne électorale, la tension a atteint son paroxysme mercredi dans la journée sur l’archipel de Zanzibar, alors que la proclamation des résultats avait commencé. Cet archipel de l’océan Indien dispose d’un statut de semi-autonomie au sein de la Tanzanie, avec son propre gouvernement, sa Constitution, son drapeau et son hymne national.

Quatre jours après les élections générales du dimanche 25 octobre, le président de la Commission électorale de Zanzibar (ZEC) a annoncé mercredi devant la presse qu’il annulait ces scrutins. Sans attendre, les Etats-Unis ont appelé le président de la ZEC à revenir sur sa décision.

« Moi, Jecha Salim Jecha, président de la Commission électorale de Zanzibar, en vertu des pouvoirs que me confèrent la constitution et la loi…. ». Ainsi commence le texte en swahili du chef de la ZEC. Toujours à la première personne du singulier, Jecha Salim Secha motive ensuite sa décision : empoignades entre des membres de la Commission, interférences des formations politiques dans le travail de la ZEC, nombreuses plaintes sur le déroulement des opérations de vote, le décompte et la publication des résultats.

« Compte tenu de tout cela, moi, en ma qualité de président de la Commission, suis convaincu que ces élections n’ont pas été équitables et que leur déroulement a violé la loi et les directives en ce qui concerne les élections (…) Je déclare officiellement que ces élections et leurs résultats sont annulés ».

Les juristes tanzaniens qui ont commenté la décision sur les radios et la télévisions locales se sont unanimement demandé s’il s’agissait d’une décision de la ZEC ou d’une décision individuelle de Jecha Salim Jecha.

« C’est une décision unilatérale », a aussitôt réagi le candidat de l’opposition à la présidence de l’archipel, Seif Sharif Hamad, qui avait déjà proclamé sa victoire dès lundi, avertissant qu’il ne reconnaîtrait pas les résultats s’il n’était pas déclaré vainqueur. Leader du Front civique uni (CUF) et premier vice-président sortant de Zanzibar, Sharif Hamad était le principal adversaire du numéro un sortant de l’archipel Mohamed Shein, candidat du Chama cha Mapinduzi (CCM-Parti de la Révolution).

Dans l’espoir de mettre fin aux violences post-électorales récurrentes sur cet archipel de l’océan Indien, entre partisans du CCM et du CUF, les habitants de Zanzibar ont adopté fin 2010 par referendum l’institutionnalisation du gouvernement de coalition. Selon ce texte, le parti vainqueur des élections obtient le poste de président de l’archipel et celui de deuxième vice-président tandis que le parti arrivé en seconde position se voit confier le poste de premier vice-président. Enfin, les ministères sont répartis entre les deux formations au prorata de leurs scores.

 

« Manque de transparence »

 

Après l’annulation des élections du dimanche 25 octobre, les Etats-Unis ont été le premier partenaire international à réagir. Dans un communiqué publié sur le site internet de son ambassade à Dar es Salaam, Washington s’est dit « gravement alarmé » et a demandé l’invalidation de la décision de Jecha Salim Jecha et appelé « toutes les parties à maintenir leur engagement pour un processus démocratique transparent et paisible ».

« Le peuple de Zanzibar mérite cela », a souligné le gouvernement américain expliquant que le scrutin à Zanzibar avait été salué par les observateurs de l’ambassade des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Commonwealth comme « une élection dans l’ordre et le calme »

 La réaction des Etats-Unis a sans doute été accueillie avec joie par Seif Sharif Hamad, qui dès l’annonce de l’annulation, avait pris à témoin la communauté internationale représentée par de nombreux corps d’observateurs.

Si la décision de Jecha Salim Jecha est maintenue, quelles en seront les répercussions sur les élections à l’échelle de l’union étant donné que Zanzibar avait élu dimanche, non seulement son propre président et ses députés, mais aussi le président de la République unie de Tanzanie ?

Pour l’opposition, il faudrait alors aussi annuler les élections au niveau de l’Union. Ainsi, l’ancien Premier ministre Edward Lowassa, candidat de l’opposition à la présidence de la République unie de la Tanzanie a demandé que la Commission électorale nationale (NEC) arrête, elle aussi de publier tout résultat pour les élections nationales. Il a accusé la NEC d'avoir orchestré des fraudes, avec le « soutien » du parti au pouvoir et de la police, «  comme la ZEC à Zanzibar ».
 Mais le président de la NEC, Damian Lubuva, a exclu d'arrêter le décompte des voix à l'échelon national, expliquant que son institution n’avait constaté aucune irrégularité sur les votes provenant de Zanzibar.
Pour l'élection présidentielle nationale, John Magufuli, du parti au pouvoir Chama Cha Mapinduzi devançait mercredi, avec 59,2% des suffrages, Edward Lowassa (39,6%), après un décompte portant sur 195 des 264 circonscriptions, selon des résultats annoncés par la NEC. Les deux hommes se disputent la succession du président Jakaya Kikwete qui achève son deuxième mandat.

 La mission d’observation de l'Union européenne a salué le bon déroulement des élections à l’échelle de l’union, mais a regretté le « manque de transparence » de la NEC. Par ailleurs, près de 300 supporteurs de l’opposition ont été arrêtés par la police depuis dimanche à travers la Tanzanie alors qu’ils protestaient contre le retard dans la publication des résultats.