Les promesses du président du Sri Lanka d'encourager la réconciliation et de rendre la justice sont loin de s'être concrétisées sept ans après la fin d'une guerre civile dévastatrice, estime l'International Crisis Group (ICG) mercredi.
Le rapport de l'ONG basée à Bruxelles intervient alors que le gouvernement sri lankais a choisi de renoncer à toute parade militaire pour marquer l'anniversaire de la fin du conflit, au profit d'une cérémonie du souvenir plus sobre intégrant la minorité tamoule.
L'armée a tué le chef des Tigres tamouls Velupillai Prabhakaran le 18 mai 2009 après avoir écrasé la rébellion dans le sang, mettant un point final à un conflit de 37 ans qui a fait au moins 100.000 morts. Le nouveau président Maithripala Sirisena, arrivé au pouvoir en janvier 2015, a promis la réconciliation et a assuré vouloir desserrer l'emprise de l'armée sur la vie civile et vouloir demander des comptes aux coupables de crimes de guerre. Mais 16 mois plus tard, ces promesses tardent à prendre forme, estime l'ICG dans son rapport "Sri Lanka: amorcer le processus de réforme" et l'armée garde une main-mise visible dans nombre de régions. "L'énormité des crimes, en particulier dans les dernières semaines de la guerre, rend impossible de les passer sous silence mais il est difficile pour l'armée et la majorité des Cinghalais de reconnaître et d'accepter leur responsabilité", note l'ICG.
L'ICG demande à Colombo d'établir un calendrier pour la formation des juges, des avocats et des enquêteurs, la mise en place d'un tribunal spécial pour les crimes de guerre, et le vote une loi pour établir les responsabilités pour ces crimes. L'ONG demande aussi de mettre fin à la présence de l'armée dans le secteur du tourisme et la restitution des terrains privés qu'elle occupe dans les anciennes zones de guerre.
Pour le secrétaire à la Défense du Sri Lanka, Karunasena Hettiarachchi, la modification des commémorations cette année, avec un spectacle culturel sur la réconciliation, montre l'engagement du gouvernement à cicatriser les blessures de la guerre. Les années précédentes, une parade militaire célébrait la victoire de la majorité cinghalaise sur la minorité tamoule, qui avait interdiction de marquer le souvenir de ses morts. "Nous avons un spectacle culturel au lieu de la parade militaire organisée depuis six ans. Cela afin de ramener la réconciliation entre tous", a dit Hettiarachchi. Sirisena a usé d'un ton plus ouvert depuis son élection que son prédécesseur, Mahinda Rajapakse, qui conduisit l'écrasement de la rébellion tamoule.
Le gouvernement a accepté de créer un tribunal spécial sur les crimes de guerre mais a rejeté la proposition de l'ONU d'y intégrer des juges étrangers. Il s'est assuré le soutien des grandes nations, avec la visite l'an dernier du Premier ministre indien Narendra Modi et du secrétaire d'Etat américain John Kerry qui ont mis fin au statut de paria du Sri Lanka.