La Commission vérité justice et réconciliation (CVJR) est désormais opérationnelle au Mali. Deux semaines après leur désignation en conseil des ministres, les 15 commissaires de l'institution ont été présentés jeudi à la presse à Bamako, après avoir été reçus par le Premier ministre Modibo Keita. La Commission a aussi présenté sa feuille de route et ses objectifs.
« Recoudre le tissu social et construire un nouveau contrat social », c'est la mission principale de la nouvelle institution, selon son président Ousmane Oumarou Sidibé.
La CVJR prévoit déjà de sillonner tout le pays pour rencontrer et écouter les victimes. Ses déplacements commenceront par les trois régions du Nord et celle de Mopti dans le centre du pays, à la frontière avec le Nord.
Ousmane Oumarou a insisté toutefois sur le retour indispensable de la sécurité pour que la Commission puisse mener à bien sa mission. Le président de la CVJR s'est ainsi félicité de l'accord de cessez-le-feu signé entre les groupes armés, qui représente à ses yeux, « un grand espoir ».
Lors de la conférence de presse, il a rappelé que la Commission vérité justice et réconciliation « n'est pas un tribunal et que ses membres ne se substitueront pas aux juges ». « La commission ne se saisira pas des affaires déjà pendantes devant la justice nationale ou internationale, mais s'intéressera particulièrement aux personnes victimes de violences sexuelles », a-t-il précisé.
Des organisations de défense des droits de l'homme ainsi que certains groupes armés avaient fustigé la composition de la nouvelle institution. Amnesty International et l'Association malienne des droits de l'Homme (AMDH) avaient déploré une forme de surreprésentation des « belligérants » au détriment des associations de défense des victimes. « Toutes les précautions ont été prises pour assurer une représentation de la diversité au sein de l'institution», a répondu le président de la CVJR. « Dans cette commission, nous avons pris toutes les précautions possibles pour assurer une représentativité de la diversité du pays. Nous avons fait en sorte que la société civile dans sa diversité soit représentée », a-t-il poursuivi.
« Au -delà de ça, le travail de la Commission ne se résume pas à la présence des commissaires, nous avons d'autres structures de travail, d'autres cadres de travail auxquels nous allons associer tout le monde, particulièrement les associations des droits de l'Homme qui font un très grand travail et qui pourront être associées dans les commissions de travail et, à chaque étape, nous reviendrons vers elles pour dire où nous en sommes», a assuré Ousmane Oumarou Sidibé.
« L'autre aspect c'est qu'une fois les 15 commissaires nommés, ils ne représentent plus leurs organisations, ils représentent l'ensemble du peuple malien », a-t-il ajouté, soulignant qu'il était « difficile de faire mieux en matière représentativité ». « C'est un processus que nous voulons inclusif tout au long de notre mandat », a insisté le président de la Commission.
« Contribuer à l'instauration d'une paix durable »
Ousmane Oumarou Sidibé est assisté, à la tête de la CVJR, de la première vice-présidente Nina OualetIntallou, représentante de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) - l'un des principaux protagonistes du conflit dans le nord malien. Naguère pasionaria de l’indépendance du Nord, cette femme d’affaires touareg a souligné jeudi à la conférence de presse qu’elle était « Malienne ».
Le deuxième vice- président de la Commission est El –Hadj Sidi Konaké, qui représente le Haut Conseil islamique. Deux des douze autres Commissaires sont également des femmes.
La CVJR du Mali a pour mandat de faire la lumière sur les violences commises dans le pays, depuis l'indépendance en 1960 jusqu'en 2013.
Elle devra, selon le texte de sa création, « contribuer à l'instauration d'une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l'unité nationale ».
Le 11 mars 2014, à la veille de discussions au Parlement malien sur le décret et l'ordonnance portant création de la Commission, l'organisation Human Rights Watch (HRW) avait émis une série de recommandations pour que le processus d'établissement de la vérité permette de « mieux lutter contre la violence, la pauvreté et le conflit qui perdurent depuis des décennies avec un effet dévastateur sur la vie et les espoirs des Maliens ». « Pour que ce processus soit crédible et efficace, il devra bénéficier de la participation et de l'adhésion d'un groupe largement représentatif de la société », avait conseillé HRW.
L'organisation recommandait à ce nouveau mécanisme « d'étudier les facteurs qui ont engendré et prolongé les crises maliennes et leurs multiples facettes, tels que la négligence de l'État, un État de droit faible, la mauvaise gouvernance et la corruption endémique ». Elle exhortait la Commission à « analyser les dynamiques à l'origine des tensions communautaires et ethniques qui se sont aggravées ces dernières années et sont susceptibles d'éclater de nouveau ». Une Commission Réconciliation avait été créée au Mali en mars 2013 par le gouvernement provisoire de l'époque. Mais elle avait été largement rejetée par différents groupes maliens au motif que le choix de ses membres et son mandat n'avaient pas fait l'objet d'une large consultation.