Après quatre mois d'atermoiements, le Comité de suivi de l'accord de paix sur le Nord du Mali semble enfin entré dans une phase décisive. Au cours de leur cinquième réunion qui se tient depuis le début de la semaine à Bamako, les différentes parties et la médiation réfléchissent à la mise en place « très prochainement » de patrouilles mixtes pour la sécurisation du Nord.
Cette avancée a été rendue possible par une série de rencontres au cours de la première quinzaine du mois d'octobre entre la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), une coalition de rebelles majoritairement touaregs, et la Plateforme, qui regroupe des mouvements politico-militaires progouvernementaux. Ce dialogue direct qui s'est tenu à Anefis après des affrontements meurtriers en août, a, de l'avis de nombreux observateurs, insufflé un élan nouveau au processus de paix qui s'enlisait depuis juin dernier.
Les patrouilles mixtes que gouvernement, CMA et Plateforme s'efforcent de mettre en place sont prévues par l'Accord de Paix et de Réconciliation au Mali. Elles pourront, non seulement rassurer les populations du septentrion, mais aussi contribuer au renforcement du climat de confiance entre les groupes armés. Le lancement de ces patrouilles facilitera par ailleurs la conduite des opérations menées depuis quelques jours par l'armée malienne contre les terroristes dans le nord et le centre du pays.
« Ces patrouilles sont nécessaires pour le cantonnement et le désarmement des groupes armés en faveur d'une armée nationale reconstituée. Le processus va commencer dans les plus brefs délais », a indiqué à Studio Tamani, l'un des chefs de la Plateforme, Fahad Ag Almahmoud.
Pour lui, le terrain est déjà aplani pour ces patrouilles mixtes. « C'est vraiment un acquis. Il y a réellement la confiance. Ça fait plus de deux semaines que la CMA et la Plateforme roulent main dans la main sur toute l'étendue du territoire, dans les zones qu'elles occupent respectivement. Les hommes en armes de la Plateforme sont à Kidal depuis environ une semaine et vice-versa. Je pense que la confiance est là, Dieu merci on est en train de mettre en place le mécanisme opérationnel de coordination », a-t-il assuré.
« Dormir ensemble, faire le thé ensemble »
Pour le journaliste et écrivain franco-béninois Serge Daniel, un spécialiste du Sahel, il s'agit d'une avancée majeure. « Elle est très importante cette décision-là. C'est important d'abord parce qu'il va y avoir des patrouilles dans le Nord du Mali au sein desquelles on trouvera des forces armées maliennes, des groupes pro-gouvernementaux, des rebelles, accompagnés de la mission de l'ONU. Cela rassure les populations parce qu'il y a tous les protagonistes et cela permet aussi d'assurer la sécurité des biens et des personnes. Et, enfin, cela consolide l'accord de paix », estime Serge Daniel.
« Je pense que c'est l'une des mesures les plus importantes depuis la création du Comité de suivi de l'accord d'Alger. La confiance va s'établir car les groupes armés vont être obligés de dormir ensemble, de faire le thé ensemble, d'aller à la rencontre des populations. Ce rapprochement va permettre aussi d'isoler les jihadistes .C'est une avancée majeure de l'accord de paix », ajoute le journaliste-écrivain.
Alors que le Comité de suivi discutait de la mise en place de ces patrouilles mixtes, la toute nouvelle Commission Vérité-Justice-Réconciliation rencontrait pour la première fois la presse à Bamako.
Les journalistes voulaient surtout entendre la première vice-présidente de la Commission, Nina Wallet Intalou qui représente la CMA. « Un accord a été obtenu. Je pense que cet accord est pour la réconciliation de tous les Maliens, de toute la Nation pour une paix définitive. Et cette paix définitive on ne peut la faire qu'avec les acteurs, en échangeant, en s'acceptant les uns et les autres », a déclaré cette juriste. "Je suis Malienne et je veux qu'il y ait une paix définitive entre tous les fils et les enfants du Mali », a ajouté cette femme politique naguère présentée comme la pasionaria indépendantiste des Touaregs maliens.
Fruit de longs mois de négociations conduites par l'Algérie, l'accord de paix inter-malien a été signé le 15 mai par le gouvernement, puis par la CMA le 20 juin. Il vise à l'établissement d'une paix durable dans le nord du pays, une région qui a connu plusieurs rébellions touaregs depuis l'indépendance, de la France, en 1960.