République du Congo : un espoir en France pour les 353 "disparus du Beach"

République du Congo : un espoir en France pour les  353 ©Guy-Gervais Kitina/AFP
Les familles des victimes au"procès" de Brazzaville en juillet 2015
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Le 3 juin dernier, la première chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a rendu une nouvelle décision dans l’affaire des « disparus du Beach ». Un nouveau souffle d’espoir pour les familles des 353 victimes  de la République du Congo qui attendent depuis 1999 que justice soit rendue.Les disparus du Beach c’est avant tout une affaire congolaise dans laquelle un général congolais, Norbert Dabira est traduit devant la justice française. C’est donc l’application exemplaire, néanmoins laborieuse, du principe de compétence universelle.

Ces disparus du Beach, ce sont 353 personnes retenues et transférées dans des camps au port fluvial – dit le Beach − en 1999. Ils faisaient partie des 1.500 Congolais réfugiés en République démocratique du Congo (RDC) lors de la guerre civile et invités à regagner leur terre à la suite de la signature d’un accord tripartite entre la RDC, la République du Congo et le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) prévoyant un couloir humanitaire afin de garantir leur sécurité. Pourtant dès leur arrivée, ils furent détenus et interrogés en particulier les jeunes hommes pour leur supposée proximité avec la milice des Ninjas, opposée au président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso lors du conflit armé. Ces 353 réfugiés qui ont disparu, auraient été aussi victimes d’actes de torture et de conditions de détention portant gravement atteinte à leur dignité.

Depuis lors, les familles de ces victimes réclament la vérité sur le sort des disparus du Beach tant devant la justice congolaise que française, avec des plaintes déposées entre autres contre le président Sassou-Nguesso et le général Norbert Dabira, inspecteur général des forces armées congolaises au moment des faits, − ce dernier possédant une résidence en région parisienne.

Une décision judiciaire congolaise loin de faire « autorité »

Alors que la justice congolaise était saisie dans les mois qui suivirent la disparition des réfugiés, une plainte est également déposée dès 2001 en France par des victimes – dont deux rescapés −, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), et l’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH) entre autres. Entre-temps, sous pression internationale et dans l’espoir de faire interrompre l’enquête française, les autorités congolaises s’étaient hâtées de mener une procédure sur leur sol. Le verdict rendu par la cour criminelle de Brazzaville en 2005 a été largement attendu par les Congolais, mais aussi par les militaires qui redoutaient d’éventuelles condamnations. Norbert Dabira, figurait en effet parmi les responsables présumés avant d’être finalement acquitté, tout comme une quinzaine d’autres accusés. Seul l’Etat congolais avait été désigné comme responsable et condamné à verser l’équivalent de 15.000 euros aux familles de seulement 85 disparus.

Les familles des victimes dénonçaient un « simulacre de procès », tant celui-ci semblait être une réponse stratégique à l’ouverture d’instruction en France pour les mêmes faits.

Quinze années d’une procédure qui piétine

En dépit du procès congolais, le général Dabira a été interpellé en France en août 2013 et mis en examen pour les faits de tortures, et de crimes contre l’humanité en relation avec les disparitions à grande échelle de ressortissants congolais entre le 5 et le 15 mai 1999 au port fluvial de Brazzaville. L’instrumentalisation de la justice française et les motivations politiques contre le Président Sassou-Nguesso ont évidemment été brandies comme arguments par l’avocat de l’intéressé. Après moult rebondissements judiciaires, le dossier a été transféré en 2012 au tout nouveau pôle « génocide et crimes contre l’humanité » du Tribunal de Grande Instance de Paris.

En parallèle, le président Sassou-Nguesso ne comptait pas en rester là pour ce qu’il considérait être un « préjudice irréparable », une violation par la France du principe de l’égalité souveraine entre les Etats, mais aussi l’immunité pénale d’un chef d’Etat étranger. On comprend aisément la fébrilité de Sassou-Nguesso dès lors que la plainte à l’origine de l’ouverture d’information le désignait directement parmi les responsables. Cependant, lui aussi devait essuyer un revers juridique, car sa requête introductive d’instance avait finalement été déclarée irrecevable par la Cour Internationale de Justice.

 

La décision du 3 juin 2016, dernier épisode en date d’un procès fleuve

Cette longue procédure a connu un nouveau rebondissement avec l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction ce 3 juin. Le général Dabira n’en était pas à son coup d’essai, il avait déjà tenté en vain de faire annuler la procédure d’instruction, menant même la procédure jusque devant la Cour de cassation en 2007. Cette fois, le général souhaitait voir annuler un interrogatoire de décembre 2014 au motif que le juge d’instruction aurait violé son droit au silence. La stratégie adoptée par le mis en examen depuis le début de la procédure consiste principalement à rappeler que son cas avait déjà été examiné dans la décision rendue en 2005 à Brazzaville et que celle-ci bénéficiait de l’autorité de la chose jugée, soit en d’autres termes, qu’il ne pouvait être jugé une seconde fois pour les mêmes faits, et ce, même en France. C’est donc conformément à cette stratégie que le général s’est refusé obstinément à répondre aux diverses questions du juge français. Une fois de plus, la chambre de l’instruction ne lui donnera pas raison. C’est donc une très bonne nouvelle pour les familles des victimes, puisque l’instruction va se poursuivre en dépit de ces différents apartés judiciaires. Une question demeure néanmoins : combien d’années supplémentaires faudra-t-il à la justice pour enfin faire la lumière sur les crimes graves commis à l’encontre des disparus ?