Et si la minorité musulmane persécutée des Rohingyas s'appelait désormais "les personnes qui croient en l'islam en Etat Rakhine"? Telle est l'option choisie par le gouvernement d'Aung San Suu Kyi, pris en étau entre la communauté internationale et les nationalistes bouddhistes sur ce dossier sensible.
"Les mots "+Rohingya ou Bangladais+ ne devraient pas être utilisés", estime un document interne du ministère de l'Information destiné aux fonctionnaires, que l'AFP a consulté mardi.
Il recommande plutôt d'appeler cette minorité qui vit dans l'ouest du pays, en Etat Rakhine: : "personnes qui croient en l'islam en Etat Rakhine".
Cette minorité de plus d'un million de personnes, dont certaines sont installées en Birmanie depuis des générations, reste considérée comme des immigrés illégaux du Bangladesh voisin. D'où le terme de "Bangladais", méprisant en Birmanie, couramment utilisé pour les désigner.
Même le prix Nobel de la paix rejette le mot de "Rohingya" dans une société sous la pression des nationalistes bouddhistes. Cette appellation reviendrait à reconnaître la légitimité de cette minorité sur cette terre.
Or, Aung San Su Kyi, dont le parti a pris les rênes du pouvoir dans le pays début avril, est critiquée à l'étranger pour le silence qu'elle observe à ce sujet. D'où la recherche d'une troisième voix.
Et la fuite de ce document, estampillé "secret", survient en pleine visite de Yanghee Lee, rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'Homme en Birmanie.
L'ONU a publié la veille un rapport s'inquiétant des violations des droits des Rohingyas en Birmanie, notamment le déni de citoyenneté, le travail forcé et des violences sexuelles, qui pourraient être considérées comme des "crimes contre l'humanité".
Pour faire bonne mesure, le document du gouvernement suggère d'appeler la majorité bouddhiste de cette même région "+personnes croyant dans le bouddhisme en Etat Rakhine+".