Après le cessez-le-feu avec les Farc, la Colombie veut négocier avec l'ELN

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Pour la Colombie il est très clair, qu'après l'historique cessez-le-feu avec les rebelles des Farc, elle doit s'atteler à convaincre l'autre guérilla, l'ELN, d'entamer aussi des négociations de paix pour en terminer avec plus d'un demi-siècle de conflit armé.

Médias, analystes et diplomates soulignent l'urgence de pourparlers entre l'Armée de libération nationale (ELN), seconde guérilla du pays inspirée de la révolution cubaine, et le gouvernement du président Juan Manuel Santos.

"Les projecteurs sur l'ELN", titrait El Tiempo dans son éditorial du 27 juin, soulignant qu'après la signature du cessez-le-feu, la semaine précédente, avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), les chefs de l'ELN devaient prendre "une décision capitale".

"Ou elle revient sur le chemin sensé de l'entente ou elle devra être soumise par les forces de l'Etat, qui ne peut permettre que, pendant qu'il conclut un accord historique avec un groupe armé (...), l'autre s'esquive", soulignait le quotidien colombien.

L'ELN et le gouvernement ont annoncé le 30 mars l'ouverture prochaine de négociations officielles, après deux ans de "dialogue préparatoire" en secret. Mais rien ne s'est concrétisé à ce jour, M. Santos exigeant qu'au préalable cette guérilla renonce aux prises d'otages et les rebelles se refusant à tout geste unilatéral.

En mai, l'ELN a séquestré trois journalistes pendant plusieurs jours, aggravant les perceptions négatives à son encontre.

"L'ELN ne suscitait pas autant de résistance de la part de l’opinion publique que les Farc et elle commet une erreur en continuant les enlèvements. C'est important qu'elle ne reste pas en dehors de la paix sinon elle devient la cible principale des forces de l'ordre, mettant en danger ses guérilleros et les civils", a déclaré à l'AFP Leon Valencia, directeur de la Fondation Paix et Réconciliation.

Selon cet analyste, ancien de l'ELN démobilisé dans les années 1990, "le gouvernement a tout intérêt à ce que l'ELN entre dans les négociations, entre autres choses parce que c'est une préoccupation pour ceux des Farc car lorsqu'une rébellion reste en guerre, la première chose qu'elle fait est d'agresser celle qui en sort et prendre le contrôle de ses zones".

 

 - 'Paix complète' -
 

L'ELN elle-même a averti que si le conflit persistait avec d'autres groupes armés, cela poserait "une grande difficulté pour l'application" du cessez-le-feu bilatéral avec les FARC, qu’elle exige pour elle-même avant de s'assoir pour négocier.

Le gouvernement n'a pas répondu à cette requête, maintenant l'exigence de l'arrêt préalable des enlèvements.

Des intellectuels colombiens ont pour leur part publié une lettre ouverte à l'ELN, en soulignant que "s'ouvre une opportunité incomparable" pour être un "autre protagoniste de la paix".

La plate-forme "Pour une paix complète", qui plaide pour l'ouverture de négociations avec l'ELN, s'est réunit cette semaine avec des diplomates étrangers pour discuter de la façon d'impulser le dialogue.

La réunion s'est tenue à la Mission d'appui au processus de paix (MAPP) de l'Organisation des états américains (OEA). Son chef  Roberto Menendez a souligné qu'une paix complète exigeait aussi  "transformations", "participation sociale" et "efforts communs".

Le prêtre jésuite Francisco de Roux, signataire de la lettre ouverte et qui a participé à cette réunion, a exhorté "toutes les instances possibles de la société civile" à demander l'ouverture des négociations. "L'ELN est très sensible à ce genre de chose et est en attente de l'appel citoyen", a-t-il déclaré à la radio Caracol.

Négocier avec les Farc n'est pas la même chose qu'avec l'ELN car, du fait de sa structure, elle doit consulter sa base sur chaque décision, rappellent MM. Roux et Valencia.

"Avec l'ELN dans la négociation, la paix politique est garantie", a ajouté l'analyste, en mettant toutefois en garde sur le défi suivant de "réduire la violence de manière radicale et définitive" en éradiquant le crime organisé.

La Colombie est meurtrie depuis plus de 50 ans par une guerre interne qui a, au fil du temps, impliqué guérillas d'extrême gauche, paramilitaires d'extrême droite et forces armées, faisant au moins 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.