Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a demandé, dans une résolution adoptée, le vendredi 1er juillet, une enquête africaine soutenue par la communauté internationale sur les crimes en graves en Érythrée. La résolution fait suite au rapport d’une Commission d'enquête présenté au Conseil le 28 juin. Le rapport appelle à des mesures fortes de la communauté internationale pour faire face à de graves violations des droits de l'Homme ayant cours en Erythrée. Le Président de la Commission, Mike Smith, a demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de "déterminer que la situation des droits de l'homme en Erythrée constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales, et de référer la situation en Erythrée au Procureur de la Cour pénale internationale". Et ce, même si cette suggestion a été critiquée par certains observateurs qui craignent que cela ne fournisse au gouvernement érythréen une raison supplémentaire de persister dans l'isolement et la violation des droits humains.
La Commission a déclaré que la communauté internationale ne peut plus ignorer les violations massives des droits de l'homme commises en Érythrée, en particulier dans les camps d'entraînement militaire, où des centaines de milliers d'Erythréens sont réduits en esclavage au moyen de conscriptions forcées. Les autorités érythréennes sont également accusées d’avoir commis des crimes de détention arbitraire, disparitions forcées, torture, persécutions, viols et meurtres. Et la Commission de constater que les fonctionnaires d'Etat s’étant appuyés de façon extensive sur la commission des crimes pour contrôler la population érythréenne, ils sont donc engagés dans une attaque persistante, généralisée et systématique contre la population civile de l'Érythrée depuis mai 1991.
La Commission va plus loin et demande que des sanctions ciblées soient imposées, à savoir des interdictions de voyager et des gels d’actifs. Elle recommande instamment que, sous l'égide de l'Union africaine soutenue par la communauté internationale, la situation en Erythrée fasse "l'objet d'enquêtes et de poursuites de crimes contre l'humanité, et que les personnes soupçonnées d'avoir commis ces crimes soient jugés". Des preuves ont été compilées concernant un certain nombre de personnes suggérant de manière raisonnable qu’elles sont responsables de crimes contre l'humanité. Interrogée à ce sujet par JusticeInfo, la Commission affirme que « ces preuves seront disponibles pour les institutions concernées au moment opportun, y compris les tribunaux, une fois que les exigences strictes de protection des témoins seront mises en place, afin d'assurer une justice pour le peuple érythréen. »
Des violences sexuelles restent impunies
L’équipe de Mike Smith détaille dans ce rapport les violences sexuelles perpétrées dans le pays. Si le constat a été fait qu’au sein des communautés locales, certains cas de viols commis contre des femmes ont été punis de peines d’emprisonnement par les tribunaux, les violences sexuelles et sexistes dans les camps d'entraînement militaire restent impunies. Alors que les responsables érythréens soutiennent qu’"il n'y a pas de viol en Erythrée", la Commission a rassemblé une grande quantité de preuves corroborées et documentées des séquelles physiques et mentales de ce type de violences auprès de personnes ayant fui le pays. La violence sexuelle contre les hommes se produit également en détention. Les organes sexuels masculins sont souvent la cible de coups ou de chocs électriques.
La Commission a souligné le rôle vital que la société civile – quasi-inexistante pour l’heure – doit jouer en Erythrée. « L'Erythrée a besoin d'avoir des organisations dynamiques de la société civile à l'intérieur du pays et qui ne soient pas nommées par le gouvernement," explique-t-elle. « Celles qui sont basées en dehors de l’Erythrée peuvent continuer à sensibiliser le public aux questions liées aux droits de l’Homme et à la population de l'Erythrée."
La conséquence logique de cette atteinte généralisée aux droits humains est le nombre constant d’Erythréens qui fuient leur pays. Le nombre de demandeurs d'asile érythréens reste constamment élevé avec une moyenne de 5 000 habitants qui continuent de quitter leur pays chaque mois. Bien que leur situation semble peu connue en Europe, elle ne peut plus être ignorée. Le Président de la Commission, Mike Smith, a insisté pour que les États membres de l'ONU octroient aux ressortissants érythréens en quête de protection le statut de réfugié, conformément aux dispositions internationales de l'asile et du droit des réfugiés.
Les autorités érythréennes affirment de leur côté que le rapport de la Commission des Nations Unies est biaisé et non crédible. Elles pourraient peut-être un jour changer leur fusil d'épaule si elles devaient se trouver devant une juridiction pénale.