La tension restait vive samedi à Juba pour le cinquième anniversaire de l'indépendance du Soudan du Sud, après deux jours d'affrontements sporadiques qui pourraient avoir fait de nombreux morts dans la capitale d'un pays déchiré par deux ans et demi d'une féroce guerre civile.
Un calme fragile était revenu samedi matin dans les rues à Juba, mais les violences de vendredi soir représentent un nouvel accroc au fragile accord de paix conclu en août 2015 entre le président Salva Kiir et le chef de la rébellion à l'époque, Riek Machar, dont les forces s'affrontent depuis décembre 2013.
Samedi, les forces de sécurité étaient présentes en nombre dans les rues de Juba, où peu de civils s'aventuraient.
Vendredi soir, des tirs d'armes automatiques puis d'artillerie lourde ont été entendus en plusieurs lieux de la capitale pendant une demi-heure, au moment où le président Kiir et le vice-président Machar préparaient un communiqué commun sur un premier incident la veille. Cinq soldats fidèles au président Kiir avaient alors été tués lors d'un échange de tirs avec d'anciens rebelles.
Selon une source au sein des forces de sécurité interrogée par l'AFP et qui a requis l'anonymat, les violences de vendredi soir, qui se sont calmées à la tombée de la nuit, ont fait "des dizaines de morts" parmi les soldats.
Des médias locaux ont avancé un bilan beaucoup plus lourd mais ces informations étaient impossibles à vérifier dans l'immédiat.
Ce regain de violence à Juba s'est produit au moment où le Soudan du Sud marque le cinquième anniversaire de son indépendance gagnée sur le Soudan après une longue guerre. Mais la moitié des cinq années d'existence du plus jeune Etat du monde ont été endeuillée par un violent conflit interne alimenté par la rivalité entre MM. Kiir et Machar.
Depuis décembre 2013, les combats ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Ils ont aussi provoqué une crise humanitaire, forçant près de trois millions d'habitants à fuir leurs foyers et quelque cinq millions, plus d'un tiers de la population, à dépendre d'une aide alimentaire d'urgence.
MM. Kiir et Machar, qui se sont rapprochés à la faveur de l'accord de paix de 2015, n'ont pas donné d'explications sur l'origine des tirs de vendredi soir, les premiers dans la capitale depuis l'accord. Ils se sont contentés de qualifier ces incidents de "malheureux".
- 'Ne pas perdre espoir' -
Un communiqué publié ensuite par l'ambassade du Soudan du Sud à Washington a ajouté que l'altercation de jeudi soir entre des soldats fidèles au président Kiir et des gardes du corps du vice-président Machar à un point de contrôle avait provoqué "une vive tension, qui a engendré un malentendu qui a conduit aux échanges de tirs" de vendredi.
Ceux-ci ont débuté près du palais présidentiel avant de s'étendre à d'autres endroits de Juba. Le calme est revenu apparemment après un appel lancé conjointement par MM. Kiir et Machar à leurs forces respectives.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a dit par communiqué son "inquiétude" devant une situation qui "illustre encore une fois le manque d'engagement réel des parties dans le processus de paix".
A la différence des années précédentes, aucune célébration de l'indépendance n'était prévue samedi, officiellement pour manque de fonds.
Peter Mawa, un enseignant de 40 ans, a avoué entretenir "des sentiments mitigés" sur la situation du pays. "Je pense que nous avons de bonnes raisons de célébrer (l'indépendance), même si cela doit se faire à la maison. Les Soudanais du Sud ne doivent pas perdre espoir parce que tout ira bien pour le Soudan du Sud un jour", a-t-il dit à l'AFP.
Un vendeur, John Manut, 35 ans, estime lui aussi qu'il était important de marquer le coup. "C'est le jour où nous sommes devenus Sud-Soudanais. Cela nous rappelle notre combat pour parvenir à notre indépendance", a-t-il relevé.
Dans le cadre d'un accord de paix signé en août 2015 entre les deux principaux protagonistes du conflit Salva Kiir et Riek Machar, ce dernier est revenu en avril à Juba où il a été réinstallé vice-président et a formé avec M. Kiir un gouvernement d'union nationale.
Mais sur le terrain, les hostilités se poursuivent.