La tuerie de Dallas, où un ancien soldat visait des policiers blancs pour se venger des brutalités des forces de l'ordre contre les Noirs, s'ajoute à une longue série de violences meurtrières qui reflètent, selon des experts, une montée de l'extrémisme et de l'intolérance en Amérique.
Tensions raciales, ras-le-bol des élites politiques, et inégalités économiques alimentent une polarisation du pays, affirme le Southern Poverty Law Center (SPLC), qui suit les mouvements racistes et extrémistes aux Etats-Unis.
L'auteur de la tuerie, Micah Johnson, un ancien soldat de 25 ans, soutenait des organisations de défense des Noirs, dont certaines prônent la haine.
Johnson a expliqué à la police qu'il était en colère après la mort cette semaine de deux Noirs sous les balles de policiers dans le Minnesota (nord) et en Louisiane (sud).
Le SPLC explique que les groupes qu'il surveille sont des mouvements "séparatistes noirs" opposés à "l'intégration et aux mariages inter-raciaux, et qui veulent des institutions séparées - voire un pays séparé pour les seuls Noirs d'Amérique".
Ces organisations sont "généralement très petites mais sont très antisémites, très anti-Blancs et aussi très anti-homosexuels", affirme Mark Potok, un expert du SPLC qui a écrit sur la montée de ces groupes l'an dernier.
Mais ces mouvements diffèrent beaucoup des groupes comme Black Lives Matter ("Les vies des Noirs comptent"), qui a émergé il y a deux ans après la mort de plusieurs Noirs, non armés, sous les balles de policiers souvent blancs.
Ils ne sont pas liés à ce mouvement pacifique mais ont bénéficié indirectement de sa popularité, explique M. Potok à l'AFP. "Toute la colère qui s'est exprimée sur la violence de la police contre les Noirs a contribué à la montée de ces groupes noirs extrémistes".
Black Lives Matter s'est donc rapidement distancié de la tuerie de Dallas vendredi, sur sa page Facebook. "L'attaque d'hier est le fruit d'actions perpétrées par un tireur isolé", écrit le mouvement. "Rendre responsable tout un mouvement des actions d'une seule personne est dangereux et irresponsable".
Sur Facebook, Johnson suivait les groupes New Black Panther Party, Nation of Islam et Black Riders Liberation, tous listés par le SPLC comme prônant la haine.
Le New Black Panther Party avait ainsi accusé les juifs des attentats du 11-Septembre et affirme que les Blancs préparent un génocide de tous les non-Blancs, selon le SPLC.
Nation of Islam est aussi connu pour son antisémitisme et sa haine des Blancs.
- A bout de nerfs -
Le nombre de groupes répertoriés en ligne par le SPLC comme milices, groupes prônant la suprématie de la race blanche, islamistes radicaux, néo-nazis ou d'autres formes d'extrémisme a augmenté de 14% entre 2014 (784) et 2015 (892).
Un chiffre qui a doublé par rapport à 1999, quand il y avait 457 de ces groupes aux Etats-Unis.
Parmi eux le Ku Klux Klan et les groupes séparatistes noirs sont les plus nombreux, représentant respectivement 21% et 20% de tous les groupes prônant la haine.
Les groupes affiliés au KKK sont passés de 72 en 2014 à 190 en 2015. L'an dernier, un jeune défenseur de la race blanche a tué neuf paroissiens noirs dans une église de Charleston, en Caroline du Sud.
A l'autre bout du spectre politique, le nombre de groupes séparatistes noirs est passé de 113 à 180 l'an dernier, quand plusieurs cas de brutalités policières ont ravivé les tensions raciales.
Le président Barack Obama a rappelé que la morts des deux Noirs, dans le Minnesota et en Louisiane, n'étaient pas des cas isolés. "Ils sont symptomatiques de défis plus larges au sein de notre système judiciaire", a-t-il souligné, citant les "disparités raciales".
Les exemples qui mettent à bout les nerfs de l'Amérique abondent.
Jeudi, quand le pays était déjà sous le choc de la mort de ces deux Afro-Américains, le corps d'un jeune Noir pendu à un arbre à Atlanta a suscité beaucoup de réactions. La police a conclu à un suicide. Mais les habitants ont exprimé leur méfiance à l'égard d'une scène qui leur rappelait les lynchages par le KKK il y a plusieurs dizaines d'années.
La campagne présidentielle actuelle, avec les discours anti-immigrés et racistes du candidat républicain Donald Trump, crée aussi "un environnement où l'extrémisme devient plus tolérable", note Scott Simpson, porte-parole de la Leadership Conference on Civil and Human Rights.
"Quand les discours de haine deviennent dominants, cela autorise les gens à donner leurs points de vue extrémistes qu'ils n'auraient jamais exprimés publiquement sans cela", explique M. Simpson. Et "cela autorise les gens à cibler des communautés".