Le cessez-le-feu était respecté mardi matin dans la capitale du Soudan du Sud, où les armes sont restées muettes après quatre jours d'affrontements meurtriers entres forces loyalistes et ex-rebelles, sans pour autant dissiper la crainte d'une reprise des combats.
Parallèlement à l'annonce du cessez-le-feu lundi soir, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réclamé "un embargo immédiat sur les armes" destinées au pays, de nouvelles "sanctions ciblées" contre les fauteurs de troubles et appelé à "renforcer la mission de l'ONU au Soudan du Sud" (Minuss) en la dotant notamment d'hélicoptères de combat.
Mardi matin, aucun coup de feu ou tir d'artillerie n'était entendu et aucun hélicoptère de combat n'était visible dans le ciel de Juba, selon un correspondant de l'AFP sur place et des médias locaux.
"La situation est calme tout près de l'aéroport", où de violents combats avaient éclaté lundi, a par ailleurs affirmé à l'AFP August Mayai, un habitant de Juba. "Il y a des gens dans la rue, clairement pas autant qu'un jour normal, mais il y a des gens dans la rue", a-t-il ajouté.
L'aéroport de Juba reprenait timidement ses activités, un correspondant de l'AFP ayant vu un avion en décoller dans la matinée.
De vendredi soir à lundi, Juba a été le théâtre d'affrontements meurtriers entre forces fidèles au président Salva Kiir, et ex-rebelles du vice-président Riek Machar. Les deux hommes ont fini par annoncer lundi soir un cessez-le-feu réclamé depuis plusieurs jours par la communauté internationale.
Ces nouveaux combats, qui ont coïncidé avec le 5e anniversaire de l'accession à l'indépendance du pays, ont fait "plus de 300 morts" dans la seule journée de vendredi, selon le ministre de l'Information, Michael Makuei, mais aucun bilan n'est disponible pour les jours suivants.
- Qui-vive -
"Nous restons sur le qui-vive car tout peut arriver", a affirmé un habitant de Juba souhaitant conserver l'anonymat. "Nous avons déjà eu ce cas de figure par le passé : nous pensions que tout irait bien, mais ce n'était pas le cas".
Car ces affrontements mettent en péril un accord de paix signé le 26 août 2015 et font craindre une reprise des combats à grande échelle dans le pays, déchiré depuis décembre 2013 par une guerre civile marquée par des massacres inter-ethniques et qui a déjà fait plusieurs dizaines de milliers de morts et près de trois millions de déplacés.
Avant même ces nouveaux affrontements à Juba, la mise en oeuvre de l'accord de paix était compliquée par des combats, en province, entre milices aux intérêts souvent locaux et ne s'estimant pas tenues par cet accord.
"Toute interruption des combats est bonne à prendre, même pour un jour, mais savoir si ce cessez-le-feu va tenir, c'est une autre question", a souligné Rashid Abdi, spécialiste de la région pour l'ONG International Crisis Group.
"Des combats comme ceux-ci sont désastreux pour le processus de paix car les parties qui combattent en ressortent encore plus amères", ajoute-t-il. "De plus, nous ne savons pas à quel point les deux leaders contrôlent leurs troupes".
- 'Milliers de réfugiés' -
L'embrasement de ces derniers jours fait suite à une altercation meurtrière jeudi soir entre membres des deux camps, à un des nombreux barrages de la ville et dans des circonstances encore floues.
Vendredi, des tirs d'armes automatiques avaient été entendus aux abords immédiats du palais présidentiel, où MM. Kiir et Machar étaient réunis pour une conférence de presse.
Selon la branche locale de l'ONG Transitional Justice Working Group, les combats ont fait "des centaines de morts", militaires et civils. Les deux camps cherchent en outre à se renforcer, a soutenu la même source.
"Des civils déplacés ayant cherché refuge dans les sites de protection de l'ONU ont été visés par des attaques systématiques et délibérées", a par ailleurs dénoncé l'ONG.
La Minuss avait annoncé lundi que 7.000 civils fuyant les affrontements s'étaient réfugiés dans deux de ses camps, dont un a été "pris directement dans les combats". Selon la Minuss, 67 personnes ont été blessées, dont huit sont ensuite décédées, dans ou autour de sites de protection réservés aux civils. Des milliers d'autres civils ont trouvé refuge dans les églises et les écoles.
En Ouganda, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) s'attend bientôt à l'arrivée de 'milliers' de réfugiés fuyant les combats.
Kampala, dont les troupes envoyées en soutien de Salva Kiir ont quitté le pays fin 2015, a annoncé mardi l'envoi d'un contingent près de Juba pour évacuer ses ressortissants, le porte-parole du ministère de la Défense Paddy Ankunda assurant qu'il ne s'agissait pas d'un nouveau déploiement.