Le Burkina Faso lance dimanche sa première campagne présidentielle post-Compaoré, dont le vainqueur dirigera la première alternance démocratique depuis des décennies dans un pays à l'histoire marquée par de nombreux coups d'Etat.
Initialement prévues le 11 octobre, ces élections présidentielle et législatives ont été reportées au 29 novembre en raison du coup d'Etat manqué du 16 septembre mené par un ancien bras droit de Compaoré, le général Gilbert Diendéré, qui a depuis été arrêté et inculpé de "crimes contre l'humanité" par la justice militaire.
La mobilisation populaire a mis le putsh en échec et l'attente est désormais grande dans ce pays pauvre d'Afrique de l'ouest d'un peu moins de 20 millions d'habitants qui espère voir dans ces élections le début d'une longue ère démocratique.
Ces scrutins doivent tourner la page de la transition politique mise en place après l'insurrection populaire qui a chassé fin 2014 l'ex-président Blaise Compaoré pour avoir tenté de modifier la Constitution et briguer un nouveau mandat, après 27 ans au pouvoir.
Plus de 5 millions de Burkinabè inscrits sur des listes électorales biométriques devront choisir leur président parmi 14 candidats, pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.
Aucun membre de la Transition - président et ministres - qui a succédé au régime de Compaoré n'est autorisé à participer à cette élection.
- L'ombre du "Beau Blaise" -
C'est la première fois depuis le début des années 80 que M. Compaoré sera physiquement absent d'une élection à enjeu national.
Son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui fonctionnait jadis comme un parti-Etat remportant tous les scrutins, ne sera pas non plus représenté.
Son candidat, Eddie Constance Konboïgo, et plusieurs proches du régime ont été exclus des deux scrutins. Une loi controversée interdit aux pro-Compaoré ayant soutenu le projet de révision constitutionnelle de briguer des mandats électoraux.
Mais l'ombre du "Beau Blaise", exilé en Côte d'Ivoire voisine, planera sur cette campagne.
Sept des quatorze candidats ont été plus ou moins des compagnons et des barons du régime déchu. Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, considérés comme les deux favoris, sont des anciens ministres.
Le premier est resté avec lui pendant 26 ans, occupant les prestigieux postes de Premier ministre puis de président de l'Assemblée nationale. Il a aussi été patron du CDP pendant plus d'une décennie avant de tomber en disgrâce. Il a quitté le parti dix mois avant la chute du régime.
Pour sa part, même s'il a embrassé très tôt une carrière professionnelle internationale et quitté le pays pendant de nombreuses années, M. Diabré doit une grande partie de sa carrière à Compaoré dont il a été ministre de l'Economie et des Finances.
Il a également présidé le Conseil économique et social puis a intégré le Programme de l'ONU pour le développement grâce au soutien diplomatique de M. Compaoré.
- Une justice en marche -
Deux affaires risquent de dominer les esprits avant les opérations de vote.
D'abord, le putsch manqué du 16 septembre a marqué les Burkinabé.
Outre, le général Gilbert Diendéré, cerveau du coup, d'autres officiers, sous-officiers ou dirigeants politiques, tous pro-Compaoré, sont poursuivis par la justice.
Parmi eux, l'ex-chef de la diplomatie, le général Djibrill Bassolé, qui était candidat au scrutin du 11 octobre mais avait vu sa candidature invalidée.
Autre dossier brûlant, celui de l'assassinat du président Thomas Sankara, le "père de la révolution" burkinabè, tué lors du putsch qui porta M. Compaoré au pouvoir en 1987.
Après plusieurs années de déni, la justice burkinabè avance: huit personnes dont quatre ex-membres de la garde rapprochée de M. Compaoré sont inculpés.
Bénéwendé Sankara, avocat de la famille du capitaine Sankara - auquel il n'est pas apparenté - et un des leaders de l'opposition de longue date, est d'ailleurs un outsider du scrutin.
Il existe aussi une inquiétude pour la sécurité après les attaques jihadistes qui ont touché ces derniers mois le nord du pays à ses frontières avec le Niger et le Mali. La dernière s'est produite fin octobre dans le nord-ouest et a coûté la vie à trois gendarmes et un civil.