Le Mali peine toujours à mettre en application l’accord de paix et de réconciliation conclu il y a une année pour restaurer la paix et la sécurité, notamment dans sa partie septentrionale. Et, comme si cela ne suffisait pas, le centre du pays, longtemps épargné par le virus de la rébellion endémique dans le nord, connaît depuis plusieurs mois déjà, une sorte d’insurrection qui commence à faucher même dans les rangs de l’armée. Une situation qui hypothèque le processus de justice transitionnelle à peine enclenché dans le pays.
A Kidal, dans le nord du Mali, la cohabitation reste très difficile entre deux groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger. Les derniers affrontements entre anciens rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et miliciens du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), proche du gouvernement, ont eu lieu le 21 et 22 juillet, faisant des morts des deux côtés et parmi la population civile.
Mais lequel des deux groupes armés a mis le feu aux poudres ? Pour Almou Ag Mohamed, porte - parole de la CMA, le responsable c’est le GATIA, cette Plateforme soutenue par Bamako. Le 21 juillet, « dans l'après-midi, une colonne de plusieurs 4X4, au moins une vingtaine, lourdement armés de la Plateforme, est rentrée dans la ville de Kidal. Au mépris et en manquant de respect à tous les check-points de la CMA. Par la suite, ils ont commencé à ouvrir le feu de façon délibérée sur le camp opposé », a accusé le dirigeant de la CMA, qui était interrogé le 22 juillet par Studio Tamani. « La CMA a répliqué, il s'en est suivi de violents affrontements qui ont duré pratiquement toute la soirée. Et ça a repris ce matin, avec l'arrivée de leurs renforts. A l'heure actuelle, la tension a baissé parce qu'ils ont été repoussés en dehors de la ville», a poursuivi Almou Ag Mohamed.
Bilan des combats ? « De notre côté, hier soir, on dénombrait déjà 4 morts et des blessés légers, par contre, du côté des assaillants, il y a au moins une trentaine ».
Le gouvernement demande l’arrêt des hostilités
Pour sa part, le GATIA ne donne pas de bilan chiffré, reconnaissant tout simplement que chaque camp déplore des morts et des blessés, et rejetant bien-sûr la responsabilité sur la CMA. « C'est très difficile de vous dire ce qui s'est réellement passé à Kidal. Selon les informations que nous avons eues hier dans l'après-midi, il y a des véhicules du GATIA qui revenaient en ville en provenance de Tinzawatene. Quand ils sont rentrés en ville, directement les gens de la CMA ont ouvert le feu sur eux. Et depuis lors, c'était le combat jusqu'à tard dans la nuit. Ce matin, les combats ont repris », a indiqué à Studio Tamani le député de Kidal, Ahmoudene Ag Ikmas, membre du GATIA, qui était également interrogé le 22 juillet. Selon les observateurs, un calme relatif semble régner depuis lors à Kidal même si la population locale reste paniquée.
A Bamako, le gouvernement, qui est accusé par l’opposition de s’être désengagé du nord, abandonnant ainsi la région aux groupes armés, a demandé aux deux parties « de faire preuve de retenue et d’arrêter les hostilités dans l’intérêt supérieur des populations », estimant que « ces affrontements constituent une menace grave pour la mise en œuvre de l’Accord, notamment pour la mise en place rapide des Autorités Intérimaires qui contribueront à la normalisation et à la sécurisation des populations dans les zones concernées ».
A l’origine des affrontements entre ces communautés, se trouve justement la mise en place des autorités intérimaires, autrement dit un certain partage du gâteau. Les deux groupes armés avaient pourtant annoncé, quelques jours avant le nouveau clash meurtrier, être parvenus, à Niamey, au Niger, à « une entente » sur la gestion administrative et militaire de la région de Kidal.
Montée inquiétante de violences armées dans le centre
Pendant que les armes crépitaient pour la énième fois à Kidal, le président Ibrahim Boubacar Keïta se trouvait à Ségou, dans le centre du pays, pour les funérailles nationales de 17 soldats, tués deux jours plus tôt, lors de l’attaque du camp militaire de Nampala, à plus de 500 kilomètres de Bamako, près de la frontière avec la Mauritanie, par des hommes armés. Le gouvernement a dénoncé une « action terroriste coordonnée » et annoncé l’ouverture d’une enquête. L’attaque a été revendiquée par deux groupes armés, un peul, et un autre, jihadiste, le groupe malien Ansar Dine.
Dans un rapport sur le Mali publié le 6 juillet, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) interpelle les autorités maliennes sur « une montée inquiétante des violences armées » dans le centre du pays, « délaissé par l’Etat », « alors que toute l’attention est concentrée sur le Nord ». « La région (centre) a été largement absente des pourparlers d’Alger qui ont permis la signature de l’accord de paix à Bamako en juin 2015 », déplore ICG. Soulignant que le centre du Mali traverse actuellement « de fortes turbulences », le groupe de réflexion estime que « la réponse des autorités maliennes ne devrait pas se concentrer uniquement sur les opérations antiterroristes qui contribuent au rejet de l’Etat, tout particulièrement quand des abus sont commis sur les populations ». Le groupe conseille au gouvernement de « reconstruire les services publics dans une région trop longtemps délaissée », en s’appuyant sur les élites locales, la société civile et ses partenaires extérieurs. Car, de l’avis d’ICG, « la restauration de l’autorité (de l’Etat) n’est pas uniquement une question de maintien de l’ordre mais dépend aussi de sa capacité à mettre en place des programmes efficaces dans les domaines de la justice et de l’éducation, afin de démontrer son utilité et son impartialité ».