Ahmed Ben Amor, 20 ans, dont Justice Info a recueilli le poignant témoignage le mois de février 2016 a fait, une tentative de suicide le 9 juillet dernier. Les menaces homophobes étaient devenues trop lourdes à gérer pour ce brillant jeune homme, scolarisé jusqu'à il y a deux ans dans une école des cracks à Mahdia, sur la côte tunisienne. Son destin bascule lorsque rejeté par sa famille à cause de ses orientations sexuelles, il est également exclu de tous les lycées de Tunisie pour les mêmes raisons et pourchassé par la police d’un pays qui pénalise l’homosexualité.
En effet, en Tunisie l’article 230 du Code pénal, qui date de l’année 1920, rend toujours passible de trois ans de prison ferme les personnes « pratiquant la sodomie et le lesbianisme ».
Dans un communiqué rendu public, l’association Shams (soleil) pour la défense de la cause LGBT en Tunisie, qui voit le jour en mai 2015, et dont Ahmed Ben Amor est le vice-président précise : « A 10 h ce matin du samedi 9 juillet, Ahmed Ben Amor a fait une tentative de suicide en ingurgitant une importante quantité de médicaments. Il a été hospitalisé dans un état comateux ».
L’association a ajouté qu’elle considérait cet acte comme le résultat « des menaces de mort dont Ahmed fait l’objet depuis plusieurs mois».
« Nous nous occupons de terrorisme pas d’homos de ton genre »
Quelques jours auparavant le jeune homme trouve une inscription écrite avec du sang devant sa maison, ainsi que sur sa voiture cabossée. Les pneus avaient été crevés avec un couteau.
« La prochaine fois, le couteau sera planté dans ta tête », lit-il en lettres sanguinolentes.
Ce n’était pas la première fois que de sérieux avertissements investissent son domicile. Au mois de mai il est cambriolé et son ordinateur portable volé. Les voleurs laissent sur leur passage ses propres posters criblés d’insultes et de menaces.
« J’ai averti la police et demandé une protection. On m’a ri au nez : « nous nous occupons actuellement de terrorisme et pas d’homos de ton genre », m’a-t-on répondu. Je me suis senti comme un moins que rien. Mon existence n’avait aucune valeur à leurs yeux. Je me suis mis à publier des statuts de plus en noirs sur Facebook tout en vivant au quotidien de vexations et de dépression », confie Ahmed Ben Amor, qui semble en voie de rétablissement aujourd’hui.
En fait, pourchassé auparavant pour avoir affiché son identité sexuelle et pour s’être engagé publiquement afin que la communauté LGBT tunisienne ne soit plus confinée dans la pénombre de la société, il a vu le degré de harcèlement et de violence dont il fait l’objet se décupler depuis qu’il a participé, en avril dernier, à un talk show de grande audience sur la chaine privée Al Hiwar Ettounssi. Il fait alors face à un imam conservateur, qui le bombarde d’arguments religieux sans que l’animateur ne modère le débat ou n’essaye de défendre un tant soit peu son invité.
Ahmed admis dans un lycée de la mission française
Les retombées de l’émission sont terribles. Au cours des prêches de la prière du vendredi, des imams l’accusent d’apostasie et appellent à sa mort dans plusieurs mosquées de la République « dans le silence total et persistant des autorités », fait-il remarquer.
Il part alors à Paris se réfugier pendant trois semaines chez des amis. Puis revient pour dénoncer, notamment sur les réseaux sociaux et la page Facebook de Shams, une nouvelle campagne homophobe qui interdit l’accès dans plusieurs restaurants « aux chiens et aux homosexuels ».
Mais la rue lui devient encore plus hostile : « Tout le monde me reconnaissait. Rares étaient les signes d’empathie que je recueillais à chacune de mes sorties. Au point que je chaque jour, je me réveillais avec la sensation d’un rescapé. A 20 ans, je m’étonnais d’être encore en vie. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’en finir avec cet enfer », témoigne Ahmed Ben Amor.
Toujours sous anti dépresseurs, le vice président de Shams semble plus décidé que jamais à poursuivre son combat pour que la minorité LGBT récupère sa dignité et son honneur perdus. Un motif d’espoir pour le jeune homme : il vient d’être admis dans un lycée de la mission française en Tunisie. La carrière d’avocat à laquelle il a toujours rêvé semble possible aujourd’hui…