Alors que le Conseil de sécurité doit se réunir ce lundi pour examiner la situation qui se détériore chaque jour davantage au Burundi, le ton monte entre ce pays d'Afrique centrale et son voisin du nord, le Rwanda.
Dans un discours prononcé vendredi lors d'une cérémonie officielle, le président rwandais Paul Kagame s'est vivement inquiété du climat actuel au Burundi. « Les gens meurent tous les jours, les cadavres jonchent les rues (...) Comment des dirigeants peuvent-ils s'autoriser à massacrer leur population du matin au soir ? », a déclaré le président Kagame dont le pays accueille chaque jour depuis six mois des Burundais fuyant le climat d'insécurité dans leur pays.
La grave crise qui secoue actuellement le Burundi est née en mai dernier lorsque le président Pierre Nkurunziza a été désigné par son parti comme candidat pour un troisième mandat controversé à la tête de son pays. Sa réélection en juillet dernier n'a pas mis fin au mouvement de contestation de l'opposition et de la société civile burundaise qui l'accusent d'avoir ainsi violé les lois du pays.
Pour le président Kagame, les assassinats qui se multiplient au Burundi, le discours incendiaire des autorités du pays rappellent la situation qui prévalait au Rwanda à la veille du génocide des Tutsis de 1994. « Les dirigeants du Burundi se vantent d'être des hommes de Dieu, certains sont même pasteurs », a poursuivi Kagame, dans une allusion à peine voilée à son homologue Nkurunziza, évangéliste «born again».
« Mais en quel Dieu croient-ils? (...) Y a-t- il un passage dans la Bible où les dirigeants sont appelés à massacrer leur peuple? », a demandé le chef de l'Etat rwandais. Depuis mai dernier, d'abord insidieusement puis ouvertement, Bujumbura accuse Kigali de jouer un rôle dans les violences meurtrières au Burundi. Le Rwanda a toujours démenti.
Pour le gouvernement du Burundi, c'est Willy Nyamitwe, principal conseiller en communication du président Pierre Nkurunziza, qui a réagi dimanche dans un entretien avec RFI. « Face à des propos outrageants et indignes d'un chef d'Etat comme ceux-là, pour l'instant nous préférons garder le silence. Nous apporterons une réponse appropriée dans les jours qui viennent. De toutes les façons, le peuple burundais est serein. Le peuple burundais garde de la hauteur face à toutes ces attaques », a déclaré Nyamitwe.
« Pulvériser les quartiers »
Le président burundais avait, au début du mois, lancé un ultimatum à ses opposants pour qu'ils déposent les armes samedi soir, en échange d'une amnistie, sous peine d'obliger les forces de l'ordre à « user de tous les moyens et techniques apprises ».
Le mois dernier, le président de la chambre haute du Parlement burundais, Révérien Ndikuriyo avait menacé de « pulvériser les quartiers » de la capitale acquis à l'opposition. « Aujourd'hui, les policiers tirent dans les jambes pour éviter de tuer quand ils sont la cible de grenades dans vos quartiers (...) mais le jour où on va leur dire de +travailler+, ne venez pas pleurer! », avait-il prévenu.
C'est le même verbe « travailler » qui avait été utilisé en 1994 au Rwanda pour signifier le génocide des Tutsis.
Le retour en force de ce discours, à un pas du Rwanda, a suscité des cris d'alarme à l'Union africaine, aux Nations unies, à Washington et à Paris. Au siège de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, aux Pays-Bas, la procureure Fatou Bensouda, s'est déclarée prête à poursuivre tout auteur éventuel de « crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou actes de génocide ».
Face à ce tollé général, les autorités burundaises tentent de s'expliquer. Dans un communiqué publié dimanche, le porte-parole du gouvernement Philippe Nzobonariba affirme que le message à la Nation du président Nkurunziza du 2 novembre a été « délibérément déformé ». « Le Gouvernement du Burundi constate que les auteurs de ces réactions ont fait l'objet de manipulations par des milieux politiques hostiles, car aucun passage du message n'augure la moindre violence, encore moins fait appel au génocide dont les Burundais connaissent l'amère expérience depuis l'indépendance de leur pays. Ceux qui jouent avec le génocide sont ceux-là même qui misent sur une catastrophe nationale pour accéder au pouvoir politique après s'être rendu compte que la voie électorale ne leur offre aucune chance », écrit-il.
« Le Gouvernement du Burundi voudrait donc tranquilliser l'opinion nationale et internationale que le message du Chef de l'Etat n'est nullement un appel à la persécution de qui que ce soit, mais une mesure visant à restaurer la paix et la sécurité sur tout le territoire national », ajoute le texte.
Accusé d'avoir à ce jour fait preuve de manque de fermeté dans le dossier burundais, le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit d'urgence ce lundi à la demande de la France. Selon le ministère français des Affaires étrangères, la réunion doit se tenir avec des représentants du Haut -Commissariat aux droits de l'Homme et de l'Union africaine. Le Conseil de sécurité avait adopté fin octobre une déclaration unanime de ses 15 membres, condamnant les violences au Burundi et soutenant la décision de l'Union africaine de lancer une enquête sur la violation des droits de l'homme.