La semaine de la justice transitionnelle a été marquée par l’arrestation controversée par le parquet de Francfort d’un présumé génocidaire rwandais Enoch Ruhigira, ancien chef de cabinet du Président Habyarimana. Cette arrestation de ce personnage aujourd’hui citoyen néo-zélandais a eu lieu en juillet mais n’a été révélée que la semaine dernière par JusticeInfo.net.
Elle pose néanmoins de nombreuses questions légales sur les crimes imputés à Ruhigira. JusticeInfo.net interroge : « sur quelle base juridique Enoch Ruhigira a-t-il pu être arrêté et emprisonné par le parquet de Francfort en l’absence avérée de mandat d’arrêt et de notification d’Interpol ? ». Autre question de fond : « Comment des crimes aussi graves que mystérieux imputés à un acteur de premier plan, qui, de surcroît, n'a jamais cherché à se cacher ou à dissimuler sa vraie identité, sont-ils restés aussi longtemps sans être portés à la connaissance de l'opinion internationale, sans qu’aucun enquêteur indépendant, aucun des experts ayant témoigné notamment devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) sans qu’aucun enquêteur indépendant, aucun des experts ayant témoigné notamment devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), n'aient jamais associé l'ancien Directeur de cabinet dans leurs investigations sur la tragédie rwandaise de 1990 à 1994 et les poursuites engagées depuis lors ». Il semble de fait que la justice allemande se soit laissée manœuvrée par les autorités rwandaises qui jusqu’à présent n’ont pas apporté de documents convaincants à l’encontre de Ruhigira.
Cette affaire montre néanmoins l’influence du régime du Président rwandais Paul Kagamé comme le montre un article du professeur français de Paris 1 André Guichaoua dans un article de JusticeInfo.net (reproduit par The Conversation en Français et en Anglais). Dans cet article, ce spécialiste de la région des Grands Lacs dresse un parallèle entre les deux pays « rivaux mais indissociables ». Pour le professeur Guichaoua, « face à la mobilisation impressionnante et brutale des forces de sécurité et des jeunesses du parti au pouvoir, le reflux durable du mouvement de résistance, la difficile coordination des forces et la démoralisation des opposants de l'intérieur et de l'extérieur, tout laisse penser que le rapport de force a indéniablement basculé en faveur des autorités ». En dépit d’une politique active de Kagamé en faveur de ses opposants, Pierre Nkurunziza semble pour le moment avoir gagné.
Archives
Toujours sur le Rwanda, à signaler l’accès aux archives du TPIR et du Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie. Ces archives sont propriété de l’ONU qui a rendu public un règlement quant à la consultation de ces documents dont certains sont classifiés pour éviter de mettre en danger la sécurité de certains témoins ou Etats ou encore de fausser des enquêtes en cours.
Tunisie
Notons enfin un article sur la transition inachevée pour les Tunisiennes. Notre correspondante Olfa Belhassine fait état des protestations des juristes contre le code du statut personnel promulgué en 1956 encensé notamment parce qu’il instituait le mariage civil et interdisait la répudiation mais qui fait toujours la part belle à la religion et aux hommes.
Notre correspondante explique : « selon la militante des droits de l’homme et enseignante de droit Jinan Limam, réside dans le fait qu’ « il reste toujours ancré dans la charia, maintenant ainsi le statu quo quant à la prévalence des normes patriarcales au sein de la famille. Ces normes deviennent aujourd’hui archaïques devant la levée récente des réserves de l’Etat tunisien à propos de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et la publication de la nouvelle loi fondamentale».