Le Burundi et le Soudan du Sud ont été au centre des discussions lors du 39ème Congrès de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) qui s’est tenu du 23 au 27 août, à Johannesburg, en Afrique du Sud. Parmi les « résolutions urgentes » adoptées par les 178 organisations membres de la FIDH, deux concernent spécifiquement le Burundi et le Soudan du Sud. La Fédération y interpelle l’ONU et l’Union africaine, et demande des poursuites judiciaires pour les graves violations des droits de l’Homme dans les deux pays.
Pour la FIDH, le temps presse. Le Congrès de l’organisation internationale appelle la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, à « ouvrir, dans les plus brefs délais, une enquête sur les crimes commis au Burundi depuis avril 2015 qui relèveraient de la compétence de la Cour » et à « faire des déclarations publiques sur l'état d'avancement de l'examen préliminaire ouvert le 25 mars 2016 et sur les conclusions de cet examen ».
Le Burundi est plongé depuis plus d’une année dans une crise politique profonde née de la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat qu’il s’est adjugé en juillet 2015. La crise a déjà fait plus de 500 morts et le Haut -Commissariat de l’ONU aux réfugiés estime à plus de 270.000 le nombre de Burundais qui ont fui le pays depuis l’année dernière.
Le Congrès de la FIDH « exhorte le Conseil de sécurité des Nations unies à créer une commission internationale d'enquête incriminante sur les violations graves des droits humains commises pendant la crise, mandatée par le secrétaire général et qui recevra l'appui de l'Union africaine ».
Le pouvoir de Bujumbura, qui a suspendu presque tous les médias indépendants, contraint à l’exil nombre de journalistes et militants des droits de l’Homme et refuse toute négociation avec l’opposition, semble décidé à aller jusqu’au bout de l’intransigeance.
Une autre résolution urgente du Congrès de la FIDH concerne le Soudan du Sud où la capitale Juba, a été le théâtre de combats qui ont opposé, du 8 au 11 juillet, les troupes loyales au président Salva Kiir aux rebelles soutenant le vice-président Riek Machar. Ces affrontements ont fait près de 300 morts et environ 80.000 personnes déplacées dans un pays où des organisations de défense des droits de l’Homme dénoncent par ailleurs des viols de femmes et jeunes filles ainsi que d’autres formes de violences sexuelles qui auraient été perpétrées par des militaires en uniforme et des hommes armés en tenue civile, notamment à l’extérieur de l’enceinte des sites de Protection des Civils des Nations unies.
Un tribunal hybride pour le Soudan du Sud
Les assises de la FIDH de Johannesburg appellent le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Union africaine (UA) à « soutenir l’établissement rapide et effectif des mécanismes d’établissement des responsabilités prévus par l’Accord sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud (ARCSS) conclu en août 2015 » entre le gouvernement de Salva Kiir et l’opposition conduite par Riek Machar. Cet accord, qui avait permis la mise en place du Gouvernement d’union nationale de transition, prévoit notamment la création d’un Tribunal hybride et d’une Commission pour la Vérité, la Réconciliation et la Guérison, conformément aux standards du droit international des droits de l’Homme et du droit pénal international.
Contrairement au Burundi, le Soudan du Sud n’est pas partie au Traité de Rome, fondateur de la Cour pénale internationale.
Enfin, dans une troisième résolution urgente plus générale sur la justice en Afrique, et qui aborde notamment les difficiles relations avec le CPI, le Congrès de la FIDH appelle l’UA à « reconnaître que la Cour Pénale internationale et l’Union africaine ont des intérêts communs dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux en Afrique et que la majorité des Etats membres ont ratifié le Statut de Rome, et donc les enjoindre à coopérer avec la Cour ».
« Donner suite aux rapports de la CPI sur le Darfour »
Alors que l’on craignait un retrait en bloc de pays africains de la CPI au sommet de l’UA de juillet dernier à Kigali, ce projet s’est heurté à l’opposition de certaines capitales à tel point que la question a même été retirée de l’agenda des chefs d’Etat.
Dans cette troisième résolution, la FIDH estime, par ailleurs, que le Conseil de sécurité de l’ONU « devrait donner suite aux rapports de la Procureure de la CPI sur la situation au Darfour et prendre les décisions qui s’imposent suite aux jugements de non-coopération avec CPI ». Fatou Bensouda accuse le Conseil de sécurité de ne rien faire pour l’arrestation du président soudanais Omar Béchir sous le coup de deux mandats d’arrêt de la CPI pour crimes graves commis au Darfour, dans son pays. La situation au Darfour a été déférée à la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa résolution 1593 du 31 mars 2005.