Le président colombien Juan Manuel Santos est "convaincu" que le "oui" à la paix avec la guérilla des Farc l'emportera au référendum du 2 octobre, estimant, lors d'un entretien à l'AFP, qu'"il vaut toujours mieux une paix imparfaite qu'une guerre parfaite".
Q: Pensez-vous que le "non" puisse l'emporter lors du référendum sur les accords de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc)?
R: "Le "non" ne va pas gagner. C'est le "oui" qui va l'emporter (...) J'en suis absolument convaincu, sinon je ne prendrais pas un tel risque car je n'y suis pas obligé (...) Mais le référendum est quelque chose de démocratique, qui légitime davantage un accord de cette nature."
"Les Colombiens sont très las de cette violence, de cette guerre. Cela fait trois générations (...) Et c'est pour cela qu'ils vont se dire que, bien que ce soit une paix imparfaite, elle remplit toutes les conditions, les standards internationaux et nationaux, et nous allons l'approuver. Dans les derniers sondages, les Colombiens penchent de plus en faveur de l'approbation, vers le "oui" plus que vers le "non"."
"La paix parfaite n'existe pas parce qu'(elle) implique une justice parfaite et une justice parfaite rend la paix impossible. C'est une paix imparfaite, mais il vaut toujours mieux une paix imparfaite qu'une guerre parfaite."
"Si le "non" l'emporte, c'est simple: ces gens (les guérilleros des Farc: ndlr) retournent dans la jungle et nous revenons au point où nous en étions quand nous avons commencé (les négociations officieuses) il y a six ans."
Q: Avant d'accéder à la présidence, vous avez combattu les Farc en tant que ministre de la Défense du gouvernement d'Alvaro Uribe (2002-2010). Qu'est-ce qui vous a converti de faucon en colombe?
R: "Je n'ai jamais été ni faucon, ni colombe. J'ai toujours été un porte-drapeau de la paix. Mais cette paix n'aurait pas été possible sans une série de conditions, l'une d'elles étant de négocier en position de force. J'ai été un ministre de la Défense effectif, je pense que les résultats le démontrent. Mais j'ai toujours dit que c'était pour chercher la paix (...) régler ce conflit par la voix du dialogue."
"Je crois qu'il n'y a pas d'autre Colombien qui ait porté autant de coups contre les Farc que votre serviteur, et cela aussi donne une autorité morale face à ceux qui ne voulaient pas de cette négociation. J'ai impliqué les militaires dans le processus de paix dès le début (en novembre 2012: ndlr) et ils y ont participé de bonne volonté. C'est un aspect clé de ce processus."
"Bien sûr, j'aimerais voir derrière les barreaux tous ceux qui ont commis des crimes atroces, des crimes contre l'Humanité. Mais je préfère une justice transitoire (prévue par les accords: ndlr) afin que nous ne fassions plus de victimes. Pour beaucoup, cette transition n'est pas facile à accepter, mais elle est nécessaire si nous voulons la paix."
"Je pensais que les victimes allaient être les plus dures étant donné que c'est elles qui ont le plus souffert du conflit (260.000 morts, 45.000 disparus, 6,9 millions de déplacés, ndlr). Elles m'ont démontré combien je me trompais (...) elles ont été les plus généreuses. Et cela a été pour moi une grande, grande leçon de vie."
Q: Si le "oui" l'emporte, la paix sera-t-elle durable? Et comment atteindre une paix complète sans un accord avec l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), seconde guérilla encore active?
R: "Avec la victoire du "oui" s'aplanit le chemin pour entamer une construction qui va prendre de nombreuses années, qui va demander l'effort de beaucoup de gens, de nombreux secteurs afin que l'Etat parvienne dans des régions où il n'a jamais été présent (...) Cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Mais en éliminant le conflit, cela va être possible. Avec le conflit, cela ne se fera jamais."
"Quant à l'ELN, nous avons déjà un agenda négocié, comme nous l'avions avec les Farc dans la phase secrète des négociations. Ils savent parfaitement que je suis prêt à m'assoir avec eux pour négocier s'ils libèrent leurs otages (...) J'espère que cela va se produire le plus tôt possible."