Le 23 Août, le Département du Trésor des États-Unis a publié un communiqué de presse annonçant des sanctions contre Ali et Salim Kony, fils du chef de l'Armée de Résistance du Seigneur (ARS) Joseph Kony, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2005 pour les crimes graves commis dans le nord de l'Ouganda. L’ARS continue de perpétrer des crimes à l’encontre des civils dans plusieurs pays africains voisins, mais Joseph Kony n'a toujours pas été interpellé. L'action entreprise par les États-Unis a pour effet de geler les actifs de Salim et Ali Kony relevant de la compétence des Etats-Unis et d’interdire de façon générale les citoyens américains de se livrer à des transactions avec eux.
Selon ce communiqué de presse, Salim et Ali Kony occupent des postes importants dans la hiérarchie de l’ARS. Salim était commandant en chef du "quartier général des opérations" de l’ARS, avant de gérer les réseaux financiers et logistiques de l’ARS, il aurait été aussi en charge de la sécurité de son père. Ali est considéré comme un successeur potentiel de Joseph Kony en tant que chef de l’ARS. Ils ont tous deux été chargés de faire respecter la discipline au sein de l’ARS, y compris les décisions de punir ou de tuer les membres de l’ARS désobéissant aux règles ou ayant l'intention de faire défection. Le Bureau du Trésor américain chargé du contrôle des avoirs étrangers (OFAC) précise que ces sanctions portent sur leurs actions menées pour ou au nom de l’ARS et / ou de leur père, et sur leur implication dans le ciblage des civils en République centrafricaine (RCA) par la commission d'actes de violence, d'enlèvement et de déplacements forcés. En outre, les fils de Kony semblent avoir joué un rôle essentiel dans le trafic illicite de l'ivoire et le braconnage des éléphants, qui fournissent une source principale de revenus pour financer les activités militaires de l’ARS. Les ONGs Enough project, The Resolve et Invisible Children (Resolve et Invisible Children ont lancé une campagne contre Kony en 2012) ont signalé depuis 2011 l'importance du commerce de l'ivoire pour leurs opérations.
La CPI a mis en cause la responsabilité de Joseph Kony pour 33 chefs d'accusation de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, y compris la réduction en esclavage, le fait de diriger intentionnellement une attaque contre une population civile, pillages, incitation au viol et enrôlement forcé d'enfants. Plusieurs des dirigeants de l’ARS ont été accusés avec lui, mais un seul - Dominic Ongwen, un ex-enfant soldat – a récemment été remis à la CPI en vue d’un procès en décembre. L’ARS est un groupe rebelle qui opérait dans le nord de l'Ouganda depuis au moins 1987, avant d'être poussé hors des frontières et continue à opérer dans le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo (RDC) et la République centrafricaine (RCA). Après de graves violations et atteintes aux droits humains subies par la tribu Acholi dans le nord de l'Ouganda, en particulier dans les années 1970, Joseph Kony, un Acholi lui-même, fut déterminé à renverser le président ougandais Yoweri Museveni pour créer un État fondé sur son interprétation des Dix Commandements. Cependant, l'idéologie et de la stratégie de l’ARS demeurent floues.
La politique américaine
Si l'affaire Kony semble être au point mort devant la CPI, la communauté internationale poursuit ses efforts. En 2008, après le refus de Kony de signer un accord de paix et diverses attaques de l’ARS sur les villages de la RDC et de la RCA, le Congrès américain a adopté en 2010 la Loi sur le désarmement de l’Armée de Résistance du Seigneur et le redressement du Nord de l'Ouganda. Cette loi vise à fournir un soutien pour la justice transitionnelle dans le nord de l'Ouganda et un soutien politique, économique, militaire, et du renseignement aux efforts multilatéraux mis en place pour protéger les civils de l'ARS. Elle prévoit aussi d’appréhender ou de supprimer Joseph Kony et ses hauts commandants du champ de bataille en l'absence continue d'une solution négociée, et de désarmer et démobiliser les combattants de l'ARS restants. Les États-Unis ont toujours des troupes au soutien d'une unité de l'Union africaine en RCA pour trouver Kony. Certains membres de l’ARS ont été arrêtés et envoyés en Ouganda, où presque tous ont été amnistiés.
Alors que le conflit en RCA s’intensifie, le président américain Barack Obama a publié un décret le 12 mai 2014 pour répondre à la violence généralisée et aux atrocités commises dans ce pays. Ce décret autorise expressément le Trésor à imposer des sanctions à ceux qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité de la RCA, entravent le processus de paix, recrutent des enfants soldats, ciblent des casques bleus, alimentent le conflit à travers le commerce illicite des ressources naturelles ou sont responsables de violations des droits de l'Homme ou d'autres atrocités en RCA. Conformément à ce décret, l’OFAC qui administre et applique les programmes de sanctions économiques principalement contre les pays et les groupes d'individus tels que les terroristes et les trafiquants de stupéfiants, est en charge du prononcé de ces sanctions.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a également inscrit Ali et Salim Kony dans une liste de sanctions conformément à la résolution 2262 (2016) pour leur implication dans des actes menaçant la paix et la sécurité de la CAR et en particulier pour leur soutien à l’ARS par l'exploitation et le commerce illicite des ressources naturelles illicite dans et depuis la RCA.
Il reste difficile de prévoir l'effet qu’auront ces sanctions américaines sur l’ARS, mais les actions agressives que l'OFAC promet de prendre pour cibler leurs ressources, soutenus par le comité du Conseil de sécurité concernant la RCA, pourrait à long terme affecter les revenus de l’ARS et donc ses actions.