Le gouvernement du Burundi est responsable de graves violations des droits, systématiques et constantes, a conclu mardi une mission d'enquête de l'ONU, mettant en garde contre de possibles "crimes contre l'humanité" et un "grand danger de génocide".
"Les experts ont constaté que des violations graves des droits de l'Homme ont été et sont commises principalement par des agents de l'Etat et ceux qui sont liés à eux", ont indiqué les trois enquêteurs dans un rapport, déplorant l'approche du gouvernement qui consiste "à nier automatiquement et en quasi-totalité" ces allégations.
"Ces violations graves sont systématiques et constantes et l'impunité est omniprésente", déplorent-ils, relevant que "le danger du crime de génocide est grand".
Ils affirment ne pas pouvoir exclure que certaines de ces violations graves des droits de l'Homme constituent des crimes contre l'humanité, et demandent des procédures judiciaires internationales indépendantes pour traduire les auteurs présumés en justice.
Les enquêteurs ont compilé une liste des auteurs présumés qui ont été nommés à plusieurs reprises par les victimes et les témoins comme responsables de violations graves des droits de l'Homme. Cette liste sera partagée avec les "mécanismes judiciaires pertinents".
Le responsable de la communication de la présidence burundaise, Willy Nyamitwe, a réagi sur son compte twitter en dénonçant des accusations "politiquement motivées et basées sur des témoignages anonymes, non vérifiés".
Il a ajouté que le gouvernement burundais avait transmis à la commission de l'ONU "un document de 40 pages répondant à ce rapport biaisé et politiquement orienté".
- 564 exécutions -
D'après le rapport, en date du 30 août 2016, l'ONU a pu vérifier 564 cas d'exécutions depuis le 26 avril 2015. Une estimation "prudente", selon les enquêteurs.
Personne ne peut quantifier exactement toutes les violations perpétrées et qui continuent d'avoir lieu dans un "contexte aussi fermé et répressif" que celui du Burundi, expliquent-ils.
Selon la Fédération internationale des droits de l'Homme, plus de mille personnes ont été tuées dans le cadre de la crise.
Le Burundi est plongé dans une grave crise émaillée de violences et de nombreux cas de torture depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat controversé, avant d'être réélu en juillet 2015.
Ces violences ont poussé près de 300.000 personnes à quitter le pays, selon le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
Le rapport des enquêteurs de l'ONU, mandatés par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, porte sur les violations et les abus des droits de l'homme commis du 15 avril 2015 au 30 juin 2016.
Ils se sont rendus au Burundi du 1 au 8 mars et du 13 au 17 juin 2016. La dernière visite prévue en septembre n'a pas pu se tenir pour des raisons de sécurité.
- 'Spirale descendante' -
La mission d'enquête a effectué un total de 227 interviews, à Bujumbura, Makamba et Gigeta. Les enquêteurs ont également mené des entretiens en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda avec, entre autres, 182 réfugiés.
Bien que la crise continue et même si le niveau de violence a manifestement diminué, poursuivent-ils, "le niveau global d'oppression et de contrôle de la société a augmenté" s'illustrant notamment par "la privation arbitraire de la vie, les disparitions forcées, les cas de torture, et les détentions arbitraires à une échelle massive".
Le rapport appelle à un "engagement solide renouvelé de la communauté internationale", y compris des Nations unies et de l'Union africaine pour éviter "la spirale descendante du pays".
Il appelle aussi le gouvernement du Burundi à arrêter immédiatement la perpétration des crimes ainsi que ceux commis par d'autres entités dont les actions peuvent lui être attribuées, comme les Imbonerakure (milices pro-pouvoir).
Enfin, les enquêteurs jugent que le Conseil des droits de l'Homme devrait considérer si le Burundi peut rester membre de cet organisme onusien. Depuis la création du Conseil il y a 10 ans, c'est la première fois qu'une organisation de l'ONU propose d'exclure un des membres du Conseil.