Des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre ont fait un nombre indéterminé de morts pour la deuxième journée consécutive à Kinshasa, où l'opposition réclame le départ du président Joseph Kabila et la tenue d'une présidentielle.
Ces violences surviennent en plein "dialogue national", tentative pour sortir la République démocratique du Congo de l'impasse électorale dans laquelle elle s'est fourvoyée mais rejetée par la majeure partie de l'opposition, qui avait appelé à manifester lundi.
Renvoyant pouvoir et opposition dos à dos, l'Église catholique a condamné "fermement la violence d'où qu'elle vienne". La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a annoncé qu'elle suspendait sa participation au "dialogue national" en cours, "par respect pour les victimes", "pour faire le deuil et rechercher un consensus plus large".
Les appels au calme lancés lundi soir par la communauté internationale n'ont pas été entendus.
Selon des sources de sécurité privées, des sources diplomatiques et des habitants, une multitude d'affrontements entre forces de l'ordre et jeunes en colère a eu lieu pendant une grande partie de la journée dans les quartiers du centre et du sud de la capitale, les plus pauvres de cette mégapole de 10 millions d'habitants habituée à la misère.
Comme la veille, plusieurs symboles de l'État, comme des postes de police, ont été attaqués. Il y a eu aussi plusieurs pillages.
Vers 19h30 (18h30 GMT), le calme semblait être revenu dans la plus grande partie de la ville.
Ces violences, les pires depuis janvier 2015, ont commencé lundi matin en marge d'une manifestation à l'appel d'un "Rassemblement" d'opposition constitué autour du vieil opposant Etienne Tshisekedi à trois mois et un jour de la fin du mandat de M. Kabila, pour lui signifier son "préavis".
La marche a très rapidement dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre. L'opposition et le pouvoir se sont renvoyé la responsabilité des violences émaillées de pillages qui ont fait 50 morts selon le Rassemblement, 17 (3 policiers et 14 "pillards") selon les autorités.
Lundi, plusieurs bâtiments de partis de la majorité ont été incendiés. Dans la nuit de lundi à mardi, dans ce qui a été perçu par l'opposition comme des "représailles", trois sièges de parti de l'opposition ont été incendiés, dont celui de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), la formation de M. Tshisekedi.
- 'Exactions' étatiques -
Une journaliste de l'AFP y a vu deux corps carbonisés, deux autres personnes en train de brûler vives et un homme grièvement blessé à la tête allongé à terre.
Dans un message sur Twitter, Ida Sawyer, chercheuse de l'ONG Human Rights Watch (HRW) récemment expulsée du Congo, écrit que son organisation a reçu "des rapports crédibles de 37 civils tués par (les) forces de sécurité" depuis lundi (dont 17 pour la seule journée de mardi) et de 6 policiers et un membre du parti présidentiel "tués par les manifestants".
Habituée des violences à caractère politique, la population de la capitale est restée massivement chez elle. Comme la veille la plupart des boutiques sont restées closes, et les écoles ont été désertées.
"Je ne peux pas sortir de chez moi", a déclaré à l'AFP un habitant du centre de la capitale, en début d'après-midi, expliquant qu'il y avait des tirs dans son quartier depuis le matin.
Selon la Constitution, le 20 septembre était la date limite pour convier les électeurs aux urnes pour la présidentielle, qui apparaît aujourd'hui impossible à tenir dans les temps.
La loi fondamentale interdit à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter, mais celui-ci ne donne aucun signe de vouloir quitter son poste.
L'Union africaine (UA), qui assure la facilitation du "dialogue national", a annoncé mardi que les travaux de ce forum étaient suspendus jusqu'à vendredi.
Outre des représentants de la société civile, ces assises réunissent la majorité et une frange minoritaire de l'opposition avec le but affiché de résoudre la crise provoqué par l'impossibilité de tenir à temps l'élection présidentielle censée avoir lieu avant le 20 décembre, date de la fin du mandat de M. Kabila.
Respectée dans le pays pour son rôle déterminant dans l'ouverture démocratique de la décennie 1990, l'Eglise catholique juge qu'il "devra être clairement établi et stipulé" dans tout "accord politique" dont accoucherait le "dialogue national" que M. Kabila "ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle à organiser le plus tôt possible".
De New York, le président français François Hollande a qualifié d'"inadmissibles" et "insupportables" les violences à Kinshasa et a accusé "l'Etat congolais lui-même" d'avoir provoqué "des exactions".
Les Etats-Unis disent être prêts à prendre des sanctions financières contre d'autres responsables congolais après celles qu'ils avaient imposées en juin au chef de la police.