La médiation internationale au Mali, conduite par l'Algérie, inquiète des conséquences pour le processus de paix des récents combats autour de Kidal (nord-est), entre groupes signataires de l'accord de paix, a agité mardi la menace de sanctions ciblant les responsables.
Des affrontements entre le Groupe d'autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia, pro-gouvernemental) et la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion), à 85 km au nord-est de Kidal ont fait une dizaine de morts le 16 septembre. Le Gatia a affirmé avoir depuis chassé la CMA de deux autres localités de la région.
"La Médiation internationale est profondément préoccupée par les graves affrontements et leur poursuite sporadique dans la région de Kidal entre les mouvements signataires", selon un communiqué de la Médiation, qui comprend notamment l'ONU, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, l'Union africaine, l'Union européenne et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Elle "estime que cette situation ne saurait perdurer plus longuement, sans compromettre l'essence même de cet accord" conclu en mai-juin 2015, selon le communiqué publié à l'issue d'une réunion du Comité de suivi de l'accord.
La médiation met en garde ceux qui seraient reconnus responsables "à titre individuel ou collectif" de la persistance du blocage, les menaçant de "sanctions de la part de la communauté internationale qui pourrait diligenter une enquête destinée à situer les responsabilités".
Elle presse toutes les parties de "respecter pleinement leurs engagements et leurs responsabilités respectifs et demande, en particulier, au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour une mise en œuvre diligente de l'Accord".
- 'Mythe de Sisyphe' -
Selon un diplomate au fait des discussions, "certains ont intérêt à ce que la crise ne se termine pas". Une liste a été établie "des noms de personnes qui pourront être sanctionnées", a indiqué ce diplomate sous le couvert de l'anonymat, soulignant le facteur aggravant du trafic de drogue, et son influence sur certains groupes armés.
Il a comparé la situation dans le nord du Mali "au mythe de Sisyphe: on fait des efforts, ça démarre, et tout s'écroule ensuite, et il faut recommencer, alors que la situation humanitaire se dégrade sur le terrain".
Auparavant, la Mission de l'ONU (Minusma) avait également estimé que "ces affrontements, en plus de constituer des violations répétées des accords de cessez-le-feu, mettent en péril les progrès réalisés jusque-là dans la mise en œuvre de l'Accord de paix", dans un communiqué.
La Minusma exprimait également "sa vive inquiétude face à la dégradation de la situation sécuritaire et aux allégations de violations des droits de l'Homme", ainsi qu'aux entraves à l'acheminement de l'aide humanitaire.
Le Gatia a revendiqué en début de semaine la prise d'In Khalil, une localité stratégique à la frontière algérienne, par laquelle transitent toutes les marchandises d'Algérie vers le nord du Mali, ainsi que certains trafics, et d'Inekabawatane.
En vertu d'un protocole d'entente signé entre le Gatia et la CMA, In Khalil devait être accessible à tous les combattants des deux groupes.
En prenant cette localité, "le Gatia veut dire que le protocole d'entente est caduc et obliger la CMA à sortir de Kidal pour se battre", a commenté l'analyste malien Mamadou Samaké.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, malgré la signature de l'accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes, dont l'application accumule les retards.