Ex-guérillero du M-19 gauchiste, élu sénateur du parti de droite de l'ex-président colombien Alvaro Uribe en 2014, Everth Bustamante est aujourd'hui l'un des opposants les plus virulents aux accords de paix avec la guérilla marxiste des Farc.
Considéré comme le "chef de la diplomatie" du Mouvement 19 Avril, démobilisé en 1990, Bustamante est devenu un porte-drapeaux du "Non" au référendum sur les accords conclus entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Selon lui, l'actuel chef de l'Etat Juan Manuel Santos "a trop cédé" aux guérilleros.
L'accord final "est mal conçu; tant pour la partie économique, que juridique ou politique, il y a de sérieuses objections", a déclaré à l'AFP cet avocat de 68 ans qui, de 1985 à 1990, a géré les relations internationales de son organisation guérillera.
Il dénonce surtout le laxisme des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves comme leur participation à la vie politique, et exige que le dédommagement des victimes se fasse avec l'argent des Farc, provenant du trafic de drogue et soi-disant caché.
Les accords prévoient que ceux qui admettent leurs crimes devant un tribunal spécial pour la paix échappent à la prison et bénéficient de peines d'intérêt général. Mais s'ils n'avouent pas et sont reconnus coupables, ils seront condamnés à des peines de huit à 20 ans d'incarcération. Les accusés de délits politiques comme la rébellion seront amnistiés.
- Pas d'impunité pour les crimes graves -
Le futur parti politique issu des Farc démobilisées se verra garantir une représentation minimale au Parlement de cinq députés et cinq sénateurs durant deux mandats législatifs, de quatre ans chacun. Mais il devra quand même affronter la sanction des urnes et même y remporter plus de sièges.
"Personnellement, je suis d'accord pour que les membres des Farc participent à la vie politique", affirme Bustamante, ajoutant toutefois qu'"il ne peut y avoir impunité" pour les crimes tels que les viols, la torture et la prise d'otages.
Il cite en exemple le processus de paix négocié avec le M-19 qui s'est présenté aux élections en 1991 sans garantie de sièges et en a remporté neuf au Sénat, 14 à la Chambre.
"Personne ne nous a amnistiés de crimes contre l'humanité. Nous nous sommes soumis à la justice", affirme l'ex-guérillero, amnistié pour rébellion et sénateur de l'Alliance démocratique M-19 de 1991 à 1994.
En raison de tout cela, il est décidé à voter "Non" lors du référendum du 2 octobre qui va permettre aux électeurs de se prononcer sur le résultat des négociations menées à Cuba pendant presque quatre ans.
- 'La vérité ne remplace pas la justice' -
Comme Bustamante, de nombreux Colombiens rejettent le contenu des 297 pages des accords visant à mettre fin à plus d'un demi-siècle de conflit armé. Ces trois dernières semaines, le "Non" tourne autour des 28 à 38% selon les sondages.
En tête des opposants les ex-présidents Uribe (2002-2010), aujourd'hui sénateur et patron du parti du Centre démocratique, ainsi qu'Andrés Pastrana (1998-2002), qui s'insurgent contre une "livraison" du pays au "terrorisme" et au "castro-chavisme"; arguments rejetés par le gouvernement selon lequel les négociations n'ont pas traité du système politique ou économique de la Colombie.
Parmi les célébrités du "Non", il y aussi des acteurs, chanteurs, humoristes, footballeurs et mannequins. Ainsi Diego Henao, réalisateur audiovisuel, votera contre les accords du fait de la "carence de justice punitive" contre les rebelles.
"Je ne considère pas la justice comme une vengeance. La peine doit correspondre à la faute. Dire la vérité ne remplace pas la justice", affirme cet homme de 29 ans, dont des proches ont été séquestrés par les Farc.
Bustamante, qui admet qu'aucun accord de paix ne peut aspirer au "modèle parfait", nie être de droite et ne se repend pas de son passé guérillero. Pour lui "ce fut un moment qui a beaucoup appris au pays" contrairement aux Farc qui, selon lui, "n'ont pas d'appui politique".