Les tensions et violences qui ont marqué cette semaine illustrent la difficile quête de justice transitionnelle à travers le monde en dépit des efforts déployés ici et là, non seulement pour juger les auteurs des crimes mais aussi pour sensibiliser les générations présentes et futures sur le danger du rejet de l’autre et des conflits meurtriers qui en découlent.
D’abord la République démocratique du Congo (RDC), voisine du Rwanda qui s’efforce encore de juger les auteurs présumés du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, parmi lesquels des accusés renvoyés par l’ex-Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ou par des pays tiers. La RDC qui d’ailleurs est aussi Etat partie au Statut de Rome créant la Cour pénale internationale (CPI) devant laquelle ont comparu et comparaissent encore des Congolais. Comme si la proximité du Rwanda ou les procès en cours à la CPI n’avaient point servi de leçons à la RDC, le pays a vécu au cours de la semaine qui vient de s’achever des violences qui ont fait plusieurs dizaines de morts, obligeant la Cour internationale à lancer une mise en garde. "Je n'hésiterai pas à agir si des actes constitutifs de crimes relevant de la compétence de la Cour sont commis et à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour poursuivre en justice les personnes responsables en conformité avec le principe de complémentarité", a averti la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, dans un communiqué. Les troubles ont opposé les forces de sécurité à l'opposition qui exige le départ du président Joseph Kabila à la fin de son mandat prévue à la fin de l'année.
Difficile quête de justice transitionnelle également en Centrafrique où le gouvernement du nouveau président Faustin-Archange Touadéra a reconnu son échec à ramener la paix dans ce pays qui traverse depuis 2012 la crise la plus aiguë de son histoire. Impuissant face à la recrudescence des violences meurtrières, le gouvernement a dénoncé, par la voix de son porte-parole Théodore Jousso, certaines factions des milices Séléka et Antiblaka dont les actes s’inscrivent, selon lui, « dans la droite ligne d’un processus de déstabilisation orchestré par les ennemis de la paix ». Jousso a rappelé que les récentes « violences inouïes commises de manière aveugle par les ex-Sélékas en réaction aux comportements des Antibalakas constituent, à n’en point douter, une grave atteinte aux lois de la République et sont passibles d’une poursuite devant la Cour pénale internationale ».
S’agissant du Proche -Orient, alors que les combats meurtriers font rage sur le terrain, la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie a présenté au Conseil des droits de l’Homme un rapport pour le moins accablant sur les événements du 10 janvier au 20 juillet derniers. La Commission réitère, dans ses conclusions, l’urgence pour le Conseil de sécurité de l’ONU, de référer la situation en Syrie à la CPI. Un énième appel rejeté depuis plusieurs années par les alliés du régime syrien à l’ONU. Réfugiés délibérément affamés, médecins et hôpitaux sciemment pris pour cibles, tortures et exécutions sommaires dans des centres de détention, violences sexuelles, amputations, etc. Un rapport qui fait pourtant froid dans le dos.
Enfin dehors de l’actualité, une analyse co-publiée par JusticeInfo.Net et The Conversation sur la représentation, dans les musées de pays baltes, des crimes communistes et nazis. Une représentation pour le moins discriminatoire qui a tendance à reléguer au second plan les crimes nazis, notamment au musée de Vilnius, en Lituanie. Ici, écrivent Pierre et Emmanuelle Hazan, « les résistants et les partisans glorifiés évoquent ceux qui luttèrent contre les Soviétiques, mais jamais contre les nazis. Le Musée des victimes du génocide met au centre de sa narration les 21 500 Lituaniens tués par les Soviétiques entre 1940-1941 et 1944-1990, et les 50 000 autres morts en détention ou déportation, selon les chiffres du musée. Ce n’est qu’au bas d’un panneau dans la deuxième salle que sont mentionnés, en une ligne, les 200 000 juifs exterminés (soit 96 % des juifs qui vivaient dans ce pays) par les nazis et leurs collaborateurs lituaniens. Et ce n’est que dans les sous-sols du musée, parmi la vingtaine de cellules du KGB, que l’une d’elles a été réaménagée – il y a seulement quelques années et sous pression internationale – pour évoquer l’extermination des juifs ».
Une représentation qui contraste avec l’exposition « Les rescapés de la Shoah: courage, volonté, vie » que le peintre français Alain Husson-Dumoutier, Artiste de l’Unesco pour la paix, tient au Palais des Nations à Genève du 2 au 28 septembre prochain. «La portée de l’exposition va au-delà de la résilience de ses survivants. L’artiste s’est senti obligé, non seulement d’immortaliser cette volonté de survivre, mais aussi de transmettre un message aux générations futures », écrit Vony Rambolamanana, correspondante de JusticeInfo.Net à Genève.