Quelques centaines de sympathisants et de membres de la tribu de Nahed Hattar, l'écrivain jordanien assassiné dimanche, ont manifesté lundi à Amman pour lui rendre hommage et réclamer la démission du gouvernement.
Ce chroniqueur controversé âgé de 56 ans a été tué par balles dimanche devant un tribunal d'Amman où il était jugé pour avoir publié une caricature considérée comme offensante envers l'islam.
Son assassinat a été condamné lundi par Amnesty International et l'Unesco qui y ont vu une grave atteinte à la liberté d'expression.
La famille Hattar refuse jusqu'ici de récupérer le corps de la victime tant que le gouvernement ne sera pas parti. Aucune date n'a été ainsi fixée pour l'enterrement.
Brandissant des portraits de l'écrivain, les manifestants ont réclamé la démission du chef du gouvernement Hani Mulqi et de son ministre de l'Intérieur Salama Hammad, qui n'ont, selon eux, pas assuré la sécurité de Nahed Hattar.
La famille de la victime a assuré que l'écrivain avait reçu des menaces de mort après la publication de la caricature, et affirmé avoir demandé aux autorités de protéger l'écrivain.
"Nous avons remis 200 noms (de personnes ayant menacé la victime) au gouverneur (de la capitale) parmi lesquels celui de l'assassin et avons demandé une protection. Mais il a refusé le dossier, estimant qu'+il n'y avait pas de menace réelle+", a regretté Khaled Hattar, l'un des frères de la victime.
"Le peuple veut faire tomber le gouvernement", "pas de sécurité, ils ont tué Nahed à Amman", ont scandé les manifestants.
Nahed Hattar avait été arrêté le 13 août après avoir partagé sur son compte Facebook une caricature montrant un jihadiste barbu sur un lit, au paradis, entouré de deux femmes et s'adressant à Dieu comme à un simple serviteur.
C'était le Premier ministre Hani Mulqi qui avait demandé au ministre de l'Intérieur d'engager des poursuites judiciaires contre la victime.
Opposant de gauche également connu pour son soutien au régime syrien de Bachar al-Assad, l'écrivain avait été libéré sous caution début septembre.
"Ce déplorable assassinat d'un journaliste en plein jour, envoie un message alarmant sur l'état de la liberté d'expression en Jordanie aujourd'hui", a regretté Amnesty International, accusant les autorités jordaniennes d’alimenter "un climat dans lequel prospèrent les menaces violentes contre des personnes dont les opinions sont jugées offensants par d'autres".
"Ce crime constitue une grave atteinte à la liberté d’expression et affecte la société jordanienne toute entière", s'est indignée de son côté la directrice générale de l’Unesco Irina Bokova dans un communiqué.
L'assassin présumé de Hattar est un Jordanien de 49 ans qui a été arrêté sur les lieux après avoir tiré trois balles sur l'écrivain. Il a été inculpé le même jour de meurtre avec préméditation, acte terroriste ayant entraîné mort d'homme et possession illégale d'arme à feu, des charges passibles de la peine capitale.
La justice jordanienne a imposé lundi aux médias un black-out sur l'enquête judiciaire concernant cet assassinat. L'interdiction de publier toute information sur cette affaire vise à préserver le "secret de l'enquête" et concerne aussi bien les médias classiques que les sites internet ou les réseaux sociaux, a précisé le ministère de l'Information, relayant une décision de la Cour de sûreté de l'Etat.