Humberto de La Calle, qui a mené pendant près de quatre ans les négociations avec la guérilla des Farc, estime que l'accord de paix signé lundi va enfin permettre aux Colombiens de ne plus s'"entretuer pour des idées".
"La base de tout cela est de ne plus nous entretuer pour des idées", a déclaré, lors d'une interview à l'AFP, le chef de la délégation du gouvernement colombien aux pourparlers avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), issues d'une insurrection paysanne il y a 52 ans.
M. de La Calle, vêtu d'une chemise blanche comme tous les participants à la cérémonie de signature de cet accord historique à Carthagène des Indes (nord), se veut cependant réaliste. "J'ai rempli ma mission et je suis très heureux. Mais en même temps c'est une grande responsabilité: aujourd'hui le conflit se termine, nous sommes parvenus à un accord avec les Farc, néanmoins ce qui commence est plus difficile."
"La paix ne s'obtient pas par miracle. Ce qui vient va être de plus longue durée (...) c'est une construction très délicate et d'une certaine manière, un défi plus grand", a-t-il dit, soulignant que les Colombiens doivent "faire des efforts, matériels, mais aussi spirituels en changeant d'attitude".
Interrogé sur les enjeux du référendum du 2 octobre, par lequel les électeurs vont se prononcer sur l'accord qui doit être approuvé pour entrer en vigueur, M. de La Calle, a reconnu "le droit de celui qui vote Non". Mais il a appelé les opposants, emmenés par l'ex-président Alvaro Uribe, à voter "en étant conscients des conséquences".
- Pas de renégociation possible -
"Celui qui vote Non doit savoir que le processus est terminé. Je ne partage pas l'idée que si le Non l'emporte nous recommençons à négocier. C'est une illusion!", a-t-il lancé, affirmant que le document de 297 pages signé lundi "est le meilleur accord possible".
Il a par ailleurs affirmé que sa signature marque "le Jour J" marquant le début du désarmement des guérilleros, prévu sur six mois et sous supervision d'une mission de l'ONU.
A cinq jours du Jour J, les Farc doivent remettre à cette mission un inventaire de leur armement et les guérilleros devront déposer leurs propres armes de manière échelonnée dans des conteneurs spéciaux, qui seront ensuite enlevés par l'ONU.
Interrogé sur les propos de dirigeants des Farc qui veulent attendre la loi d'amnistie avant de dire adieu aux armes, M. de La Calle a écarté cette éventualité, disant "s'en tenir à l'écrit". "C'est la recommandation que faisait Nelson Mandela: +Regardez les textes+", a-t-il dit, citant l'ex-président sud-africain.
- Un pays meilleur pour l'avenir -
M. de La Calle a ajouté que le gouvernement devait "présenter rapidement un bouquet de lois" en préparation pour mettre en oeuvre les accords. Mais il a souligné que "l'amnistie couvre seulement certains délits". "Les crimes les plus graves ne seront pas amnistiés" par la juridiction spéciale de paix prévue par l'accord.
Il a souligné que les chefs des Farc "vont devoir purger des peines restrictives de liberté s'ils sont condamnés par le tribunal (...) ce qui est probable". Ces sanctions consistent à "un processus de réparation envers les victimes" comme "déminer, réparer les dégâts qu'ils ont causés aux infrastructures (...) prendre soin de l'environnement qu'ils ont tant endommagé", a-t-il dit.
Il a rappelé que cela s'applique "aussi aux militaires qui ont dévié de leurs fonctions, aux tiers qui ont profité de la guerre" et que ceux qui n'acceptent pas cette justice transitionnelle, ne viennent pas dire la vérité sur leurs actes, iront "en prison".
Pour lui, le plus important est que la guerre se termine, que les Colombiens "cessent d'échanger des balles et aillent prendre langues au Congrès!" "Le premier souvenir de ma vie est en pleine violence. Ma génération et les suivantes, nous vivons depuis des années dans la violence", a expliqué cet homme de 70 ans, qui espère que ce pays soit "meilleur pour ceux à venir, pour les enfants".
Interrogé quant à une éventuelle candidature présidentielle aux élections de 2018, Humberto. de La Calle, qui a été vice-président (1994-96) et plusieurs fois ministre, a déclaré: "Je n'ai pas de neurones pour penser ça en ce moment. Terminons d'abord cela!"