La France "en guerre" après 128 morts dans une série d'attentats sans précédent attribués à Daech

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État d'urgence, écoles fermées, manifestations interdites: la France était samedi en état de choc, au lendemain des attentats les plus meurtriers de son histoire, qui ont fait au moins 128 morts, un "acte de guerre" attribué par les autorités au groupe jihadiste Daech.

Huit assaillants sont morts, dont sept en se faisant exploser, un mode opératoire inédit en France, dans cette série d'attaques perpétrées à Paris dans la salle de concerts du Bataclan, dans plusieurs rues du coeur de la capitale, et près du Stade de France à Saint-Denis, au nord de Paris.

"C'est un acte de guerre commis par une armée terroriste, Daech", le groupe État islamique, un acte "préparé, organisé, planifié de l'extérieur et avec des complicités intérieures", a déclaré samedi François Hollande depuis l'Élysée, sans donner d'éléments démontrant la responsabilité du groupe EI dans les attentats.

"La France sera impitoyable à l'égard des barbares de Daech", a promis le président, qui a lancé un appel à "l'unité", au "rassemblement" et au "sang-froid".

François Hollande a décrété un deuil national de trois jours et annoncé qu'il s'exprimerait devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles lundi.

Les attentats n'avaient pas été revendiqués samedi matin, mais les soupçons se sont aussitôt portés vers la mouvance jihadiste: des premiers témoignages de survivants font état d'assaillants ayant crié "Allah Akbar" ou ayant évoqué l'intervention de la France en Syrie.

La France participe depuis plus de deux ans à la coalition anti-État islamique en Irak et mène des frappes en Syrie depuis octobre.

- 'C'était l'enfer' -

Ces attentats ont réveillé le douloureux souvenirs de la précédente vague d'attaques en janvier à Paris contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, qui avaient fait 17 morts et suscité une réaction inédite avec des manifestations réunissant plusieurs millions de personnes en France.

Au Bataclan, théâtre de l'attaque la plus sanglante avec un bilan provisoire d'au moins 82 morts, "on entendait hurler, tout le monde essayait de fuir, les gens se piétinaient... C'était l'enfer", a relaté un témoin.

L'ampleur de cette tragédie a semé l'effroi dans la capitale, à peine plus de deux semaines avant la conférence sur le climat (COP21) au Bourget, au nord de Paris, où sont attendus des dizaines de chefs d'État et de gouvernement.

Au total, au moins 128 personnes ont été tuées, sans compter les huit assaillants, et plus de 250 blessées, dont 99 se trouvent "en urgence absolue" (état grave dont le pronostic vital peut être engagé), selon un nouveau bilan provisoire de source judiciaire.

Le parquet a ouvert une enquête pour assassinats en relation avec une entreprise terroriste sur ces attaques, les plus meurtrières en Europe depuis les attentats islamistes de Madrid en mars 2004.

- 'Une boucherie' -

"La priorité, c'est d'identifier les corps, notamment ceux des terroristes, qui ont été pour la plupart pulvérisés lorsqu'ils se sont fait sauter", a expliqué une source policière à l'AFP.

Aucune interpellation n'a été réalisée. Ils vont visionner "des heures d'images de vidéosurveillance pour déterminer les circonstances" des attentats, a souligné la source policière, ajoutant: "Une fois les terroristes identifiés, il s'agira de déterminer s'ils ont profité de complicités."

Plusieurs témoignages font état d'assaillants arrivés à bord d'un véhicule immatriculé en Belgique. L'une des hypothèses envisagées, parmi d'autres, est celle d'une équipe venue de l'étranger, renforcée éventuellement de résidents français, selon une source proche du dossier.

Quatre assaillants sont morts au Bataclan, dont trois en actionnant une ceinture d'explosifs, le dernier étant tué lors de l'assaut des forces de l'ordre. Trois kamikazes sont morts au Stade de France, et un autre boulevard Voltaire.

Au Bataclan, l'assaut des forces de l'ordre a été décidé "très vite parce qu'ils tuaient tout le monde", a confié une source proche de l'enquête.

"C'était sale dedans, une boucherie, des gens avec des balles dans la tête, des gens qui se sont fait tirer dessus alors qu'ils étaient à terre...", a témoigné samedi matin un policier ayant participé à l'assaut.

L'état d'urgence a été déclaré et l'Élysée a annoncé la mobilisation de "1.500 militaires supplémentaires" et le renforcement des contrôles aux frontières.

La préfecture de police a interdit les manifestations sur la voie publique à Paris et dans les départements limitrophes, jusqu'à jeudi. Tous les équipements municipaux parisiens (écoles, bibliothèques, gymnases, marchés alimentaires) sont fermés samedi.

En tout, six attaques quasi simultanées ont été menées dans autant de sites, principalement dans les Xe et XIe arrondissements, avec de lourds bilans - toujours provisoires - en particulier rue de Charonne (au moins 19 morts) et rue Alibert (au moins 12 morts). Les "assassins" ont "balayé avec des mitraillettes plusieurs terrasses de café", a déclaré le préfet de police, Michel Cadot.

Au moins trois explosions ont retenti aux alentours du Stade de France vendredi vers 21H20 pendant que 80.000 personnes, dont François Hollande, assistaient au match amical de football France-Allemagne. Le public a été d'abord confiné, puis évacué à la fin du match.

- 'M. Tout-le-monde avec une Kalach' -

Au Bataclan, où avait lieu un concert de garage-rock, Pierre Janaszak, animateur radio et TV, rapporte avoir "clairement entendus (les assaillants) dire aux otages +c'est la faute de Hollande, il n'a pas à intervenir en Syrie+".

Un autre survivant a dit d'un des assaillants qu'il ressemblait "à M. Tout-le-monde avec une Kalachnikov".

Dans un mouvement d'unité nationale, les principaux partis ont annoncé la suspension de leur campagne pour les élections régionales.

Les réactions de condamnation, unanimes, ont afflué du monde entier, où de nombreux monuments se sont parés des couleurs bleu-blanc-rouge en signe de solidarité.

Barack Obama a promis que les États-Unis allaient aider la France à "traduire les terroristes en justice", tandis que la chancelière allemande Angela Merkel s'est dite "choquée". Le président iranien Hassan Rohani, qui a reporté le voyage en Italie et en France qu'il devait effectuer à partir de samedi, a dénoncé des "crimes contre l'humanité".