La France face à un "acte de guerre" après 129 morts dans des attentats jihadistes sans précédent

3 min 55Temps de lecture approximatif

Les enquêteurs ont commencé samedi à identifier les auteurs des attentats les plus meurtriers jamais commis en France, un "acte de guerre" au coeur de Paris revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et qui a fait au moins 129 morts.

Pour François Hollande, qui a décrété un deuil national de trois jours à partir de dimanche - une mesure exceptionnelle -, les attaques de vendredi sont un "acte de guerre". Pour la première fois en France, des kamikazes ont frappé. Et contrairement aux derniers attentats, les jihadistes ont ouvert le feu de façon indiscriminée, cherchant à tuer le plus possible.

Sept assaillants sont morts, a précisé le procureur de Paris François Molins, dans cette série de six attaques, menées "très vraisemblablement (par) trois équipes de terroristes" ciblant les spectateurs d'un concert de rock au Bataclan, des consommateurs attablés à des terrasses de cafés et restaurants du centre de la capitale et près du Stade de France, au nord de Paris.

Le bilan est sans précédent: au moins 129 morts, outre les assaillants, et 352 blessés, dont 99 en "urgence absolue", selon le procureur.

Le groupe EI (Daech en arabe) a revendiqué ces attentats samedi sur internet, affirmant que "huit frères portant des ceintures explosives et armés de fusils d'assaut ont visé des sites choisis soigneusement au coeur de Paris".

Le parquet a ouvert une enquête pour assassinats en relation avec une entreprise terroriste pour ces attaques, les plus meurtrières en Europe depuis les attentats islamistes de Madrid en 2004.

Elles ont été perpétrées deux semaines avant la conférence sur le climat (COP21) près de Paris, où sont attendus plusieurs dizaines de chefs d'État et de gouvernement, comme Barack Obama qui a confirmé sa participation malgré les événements.

Pour les enquêteurs, "la priorité, c'est d'identifier les corps des terroristes, qui ont été pour la plupart pulvérisés lorsqu'ils se sont fait sauter. Il s'agira ensuite de déterminer s'ils ont profité de complicités", a expliqué une source policière à l'AFP.

- "Doigt sectionné" -

Deux kamikazes ont déjà été identifiés, dont un des assaillants du Bataclan, un Français de 29 ans né à Courcouronnes (Essonne), dans la banlieue parisienne, condamné pour des délits de droit commun mais jamais incarcéré. Il a été identifié d'après l'empreinte d'un doigt sectionné, a précisé le procureur, ajoutant qu'il avait "fait l'objet d'une fiche S pour radicalisation".

Et un passeport syrien "au nom d'un individu né en septembre 1990 en Syrie", selon le procureur, appartenant à un migrant enregistré en Grèce, selon Athènes, a aussi été retrouvé près du corps d'un assaillant du Stade de France. Mais cet homme "n'était pas connu de services de renseignement français", a dit M. Molins.

Trois personnes résidant en Belgique ont été arrêtées samedi lors d'une opération de police à Bruxelles, "en connection avec une voiture Polo grise louée en Belgique retrouvée devant le Bataclan", a indiqué le ministre belge de la Justice. Parmi ces personnes, "inconnues des services de renseignement français", selon François Molins, un Français qui avait loué cette voiture.

Depuis l'Élysée, François Hollande a dénoncé un acte "planifié de l'extérieur et avec des complicités intérieures". "La France sera impitoyable à l'égard des barbares de Daech", a-t-il promis, appelant à "l'unité" et au "sang-froid".

Selon le procureur, trois assaillants sont morts au Bataclan, en actionnant une ceinture d'explosifs, le dernier étant également tué lors de l'assaut policier. Trois se sont fait exploser aux abords du Stade de France, alors que 80.000 personnes, dont François Hollande, assistaient au match amical de football France-Allemagne, et un autre boulevard Voltaire.

Le groupe EI contrôle de larges pans de territoire en Irak et en Syrie et compte dans ses rangs des milliers d'étrangers, dont des centaines de Français. La France, membre d'une coalition internationale, mène des frappes aériennes contre le groupe en Irak depuis deux ans et en Syrie depuis septembre.

Ces attentats ont réveillé le douloureux souvenir des attaques de janvier, contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, qui ont fait 17 morts et suscité des manifestations de plusieurs millions de personnes.

- "Une boucherie" -

Au Bataclan, site de l'attaque la plus sanglante avec au moins 89 morts, "les terroristes ont évoqué la Syrie et l'Irak", a dit le procureur. "On entendait hurler, tout le monde essayait de fuir, les gens se piétinaient... C'était l'enfer", a relaté un spectateur.

C'était "une boucherie", a raconté un policier ayant participé à l'assaut, qui a vu les corps de "gens avec des balles dans la tête, des gens qui se sont fait tirer dessus alors qu'ils étaient à terre".

Parmi les autres attaques, des bars et terrasses de café des Xe et XIe arrondissements ont été la cible de "plusieurs centaines de tirs" issus de fusils d'assauts de type kalachnikov, notamment rue de Charonne (au moins 19 morts) et rue Alibert (au moins 15 morts).

L'Élysée a annoncé la mobilisation de 3.000 militaires supplémentaires d'ici mardi et le renforcement des contrôles aux frontières, alors que le pays est sous le choc : état d'urgence, écoles fermées à Paris, comme de nombreux commerces, la plupart des cinémas, la Tour Eiffel et le Louvre.

Musées, salles de spectacle et établissements culturels publics resteront fermés dimanche en Ile-de-France, mais les écoles rouvriront lundi, et une minute de silence sera observée à midi dans toute la France.

Les manifestations sont interdites à Paris jusqu'à jeudi. Quelques centaines de personnes se sont cependant rassemblées place de la République, symbole de la mobilisation post-Charlie, pour "pleurer" les morts, comme en province.

Dans la classe politique, les principaux partis ont suspendu leur campagne des élections régionales.

Les condamnations ont afflué du monde entier. Les États-Unis ont promis d'aider la France à "traduire les terroristes en justice". Le président iranien Hassan Rohani, qui a reporté son voyage en France prévu à partir de samedi, a dénoncé des "crimes contre l'humanité". Le Hamas et le Jihad islamique ont aussi condamné ces attentats.