Après sa défaite militaire, le Mouvement du 23 mars (M23) refuse tout échec politique. Cette ex-rébellion est née en mai 2012 dans le Nord-Kivu, une province instable et riche en minerais (or, coltan, cassitérite…) de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Ses ancêtres sont deux groupes armés essentiellement tutsi-congolais : le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD, 1998-2003) et Congrès national pour la défense du peuple (CNDP, 2007-2009), qui étaient soutenus par le Rwanda.
Le M23 tire son nom de l’accord du 23 mars 2009, qui a amnistié le CNDP et l’a intégré dans l’armée ou encore la police. Au bout de quatre ans, des ex-CNDP ont déserté et formé le M23 : ils dénonçaient notamment une molle neutralisation des Hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont des chefs ont participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, avant de se réfugier dans l’est congolais.
Selon des experts de l’ONU, le M23 était soutenu en hommes, armes et munitions par le Rwanda et l’Ouganda, deux voisins de la RDC qui ont toujours démenti ces accusations. En novembre 2013, la rébellion a été vaincue par l’armée congolaise et la Mission de l’ONU (Monusco). Le mois suivant, à Nairobi, elle a signé avec Kinshasa des déclarations de paix, dont l’application bute en premier lieu sur le rapatriement des ex-rebelles et l’amnistie.
Le retour devait concerner environ 1.600 combattants exilés en Ouganda et près d’un millier d’autres au Rwanda. Mais selon François Muamba, coordinateur du Mécanisme national de suivi (MNS) des déclarations, il en reste moins de 460 au Rwanda. « Quand on a posé la question de savoir où sont les autres, on nous a répondu qu’ils sont en famille… Ca corrobore que les ex-M23 ne sont pas tous des Congolais ! », dit-il à JusticeInfo.
Le MNS a débuté en septembre 2014 un rapatriement « volontaire » mais à peine 200 ex-rebelles sont rentrés, pour la grande majorité depuis l’Ouganda. A qui la faute ? Le MNS reproche au M23 d’inciter ses ex-combattants à « refuser systématiquement » de rentrer, quand l’ex-rébellion dénonce des retours « forcés » et non sécurisés, alors que, d’après elle, il existe un risque d’arrestation, voire d’exécution.
Un analyste spécialiste des conflits dans l’est confie à JusticeInfo que « l’absence de volonté du Rwanda et de l’Ouganda » freine aussi le rapatriement mais que, de son côté, « il faudrait que le Congo fasse de vrais efforts sur les FDLR », qui lui ont un temps servi de « rempart » contre le Rwanda (impliqué dans les deux guerres du Congo, entre 1996 et 2003), et dont la traque est sclérosée par une brouille entre l’armée congolaise et la Monusco.
Transformer le M 23 en parti politique
Les ex-combattants du M23 rapatriés sont cantonnés loin du Kivu pour prévenir une réorganisation militaire et, comme les autres rebelles qui se sont rendus, ils vivent dans des conditions précaires dans des centres de démobilisation, désarmement et réinsertion. Cependant, on les prépare à la vie civile avec des formations dans l’agriculture, l’élevage, la maçonnerie, la menuiserie, la coupe et couture, assure François Muamba.
Quant à l’amnistie, environ 700 ex-rebelles en ont bénéficié mais le M23 estime que tous ses membres y ont droit. Impossible, martèle Kinshasa, car la loi d’amnistie du 11 février 2014 concerne les faits de guerre et d’insurrection, mais pas les crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide. Or, l’ONU impute au M23 des meurtres, viols, pillages ou enrôlement d’enfants, et lui a infligé des sanctions : gel des avoirs et interdiction de voyager.
Après avoir menacé en octobre de se retirer des accords, le M23 a demandé à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), médiateur de la crise, de « faciliter la tenue d’une rencontre entre les deux parties ». Et ce, alors qu’une réunion d’évaluation est prévue le mercredi 18 novembre Kinshasa.
« S’ils venaient, ce serait une excellente nouvelle. (…) Comment mettre en place la commission mixte s’ils ne sont pas là ? », s’interroge François Muamba. Difficile pour l’heure de savoir si le M23 dépêchera Désiré Rwigema, son tout nouveau coordinateur chargé de suivre l’application des déclarations. « Nous attendons que la CIRGL règle les questions relatives à la sécurité de nos délégués », explique à JusticeInfo Bertrand Bisimwa, président du M23.
Désiré Rwigema remplace René Abandi, qui avait démissionné en janvier et est désormais chargé de transformer le M23 en parti politique – une reconversion que le ministère de l’Intérieur avait acceptée pour le RCD et le CNDP. Il devra aussi trouver des « possibilités d’alliances » politiques. Lesquelles ? Il est « encore trop tôt » pour en dire plus et « le plus important (…) est la relance du processus de mise en œuvre », insiste Bertrand Bisimwa.
Un analyste congolais affirme toutefois à JusticeInfo qu’il cherche à « immédiatement » se placer pour les élections. Le cycle, paralysé, doit s’achever en novembre 2016 avec une présidentielle. Joseph Kabila – au pouvoir depuis 2001, élu en 2006 et reconduit en 2011 après des fraudes – est théoriquement inéligible, mais l’opposition l’accuse de vouloir violer la constitution.