Après le Burundi, l’Afrique du Sud. Coup sur coup, deux pays africains ont décidé en une semaine de quitter la Cour Pénale Internationale ; des décisions qui pourraient devenir épidémiques sur un continent déjà suspicieux et critique du tribunal de La Haye.
Les deux pays évoquent les mêmes raisons de « souveraineté nationale » et accusent la CPI de biais anti africain. Il reste que pour le Burundi l’annonce par un régime aux abois qui craint les poursuites du Tribunal est avant tout opportuniste.
La décision de l’Afrique du Sud est plus lourde de conséquence, en raison du poids politique et diplomatique de Pretoria. Ce retrait, le premier depuis la création de la Cour, est d’autant plus significatif qu’il vient d’un pays symbole et pionnier de la justice transitionnelle. De quoi annoncer un Afrexit ? Comme l’écrit notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas : « bataillant contre une juridiction considérée par de nombreux leaders africains comme le bras légal du néocolonialisme, l’Union africaine menace depuis plusieurs années d’un retrait massif, mais n’est jamais parvenue à s’unir sur ce point. Le Burundi a-t-il ouvert le ballet redouté d’un Afrexit à petit feu ? Les regards se tournent désormais vers le Kenya et l’Ouganda, actifs pourfendeurs de la Cour. ».
Il est vrai que la Cour a concentré l’essentiel de ses instructions et tous ses procès à l’Afrique mais à sa décharge c’est souvent à la demande même des pays du continent que ses nationaux ont été traduits devant la CPI.
La communauté des ONG et autres défenseurs de la justice internationale se sont aussitôt élevés contre cette décision de Pretoria. Ainsi, cité par notre correspondante, le responsable de la Coalition des ONG pour la CPI, William Pace, expliquait « C’est un retrait de la démocratie, des droits de l’homme et de la primauté du droit, pas de la CPI, la CPI reste la réponse la plus forte (...) à la plaie de la répression par les autocrates».
Avant le coup de tonnerre du retrait sud-africain, la CPI avait déclaré coupable le chef de guerre et ancien vice-président de la RDC, Jean-Pierre Bemba pour avoir suborné pas moins de 14 témoins. Une première pour la Cour qui a fait de la RDC le pays phare de ses procès.
Autre enseignement de la justice transitionnelle, le sort réservé par la justice allemande à l’ancien chef de cabinet du Président Juvénal Habyarimana, Enoch Ruhigira. Ruhigira un rwandais devenu citoyen néo-zélandais a été arrêté en juillet dernier à Francfort à la demande de Kigali pour « présomption de génocide ». Le professeur André Guichaoua de la Sorbonne à Paris souligne les limites de l’acte d’accusation du parquet rwandais et dénonce les aléas de la coopération judiciaire avec ce pays.
Enfin, en Tunisie, l’Instance Vérité et Dignité poursuit son travail de documentation des crimes de la dictature avec le soutien d’une équipe de soixante chercheurs. Notre correspondante Olfa Belhassine écrit : « Selon les premiers chiffres, 32 228 victimes islamistes sont concernées par plusieurs violations. Il s’agit du plus gros contingent de victimes. Viennent après les syndicalistes (5 676) et les militants de gauche (3 308). Les activistes des droits de l’homme, 180, ont subi des centaines de violations de tous types. » Slah Eddine Rajhi, directeur des études à l’IVD, explique « La deuxième phase de notre travail consiste à écouter les victimes dont nous avons reçu les dossiers. En recoupant les données entre nos sources externes et nos sources internes, nous pourrions cerner et dévoiler la vérité sur les différentes atteintes aux droits de l’homme, qui ont émaillé notre histoire.