Vingt ans après la guerre, la Bosnie engluée dans ses divisions

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Vingt ans après l'accord de paix de Dayton qui a mis fin à la guerre intercommunautaire en Bosnie (1992-95), cette ex-république yougoslave parmi les pays les plus pauvres d'Europe, reste engluée dans ses divisions ethniques.

Paraphé le 21 novembre 1995 à Dayton, (Ohio), cet accord entérine la division de la Bosnie en deux entités: la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska (RS), qui disposent d'une très large autonomie et sont reliées par de faibles institutions centrales.

"L'accord de paix a mis fin à une guerre atroce (qui a fait 100.000 morts, ndlr), mais des problèmes fondamentaux provoqués par ce conflit, n'ont pas été résolus", pointe l'analyste politique Gojko Beric.

"Deux concepts irréconciliables se font face, un séparatisme défendu par la Republika Srpska et l'idée d'une Bosnie unitaire, dont la mise en oeuvre est souhaitée par les politiciens musulmans", explique M. Beric à l'AFP.

"Nous vivons depuis dans un état de +guerre inachevée+ ou de +paix imparfaite+", ajoute-t-il.

Illustration de cette triste réalité: samedi, aucune cérémonie particulière n'est prévue pour marquer cet anniversaire.

Considérés comme des héros en Republika Srpska, les ex-chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie durant la guerre, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, sont actuellement jugés par la justice internationale, notamment pour génocide.

Vingt ans après, Amar Ramovic, informaticien de 37 ans, se souvient de son sentiment ambivalent à propos de l'accord de paix.

"J'étais heureux que les tueries s'arrêtent, mais en même temps j'avais quelques regrets car l'accord avait arrêté l'avancée militaire de nos forces. S'il n'avait pas été signé, la Bosnie ne serait peut-être pas un pays divisé aujourd'hui", dit M. Ramovic, musulman vivant à Sarajevo.

- Une 'camisole de force' -

Nombreux sont ceux qui estiment que l'accord de Dayton est une sorte de "camisole de force" qui a empêché la Bosnie de devenir un pays uni.

Toutefois, pour Dordje Vukovic, professeur de sciences politiques, l'origine de cette instabilité n'est pas à mettre sur le compte de l'accord de paix.

"Les militaires ont été désarmés, mais les consciences n'ont pas été démilitarisées. Le pays n'aurait pas été différent avec une autre Constitution", assure-t-il.

Les deux entités bosniennes sont unies par un faible gouvernement central que la communauté internationale a néanmoins essayé de renforcer entre 1996 et 2006, en imposant un grand nombre de réformes.

Une administration pléthorique pèse en revanche très lourd sur les finances publiques de ce pays dont plus 40% de la population est au chômage.

La pression de la communauté internationale sur la politique intérieure bosnienne a commencé à diminuer en 2006, avec l'abandon par les États-Unis d'un engagement actif en Bosnie, souligne Srecko Latal, analyste politique. Washington avait alors passé la main à l'Union européenne, dont les instruments "n'ont pas été suffisants pour maintenir le cap" des réformes, note-t-il.

Depuis, les autorités de la Republika Srpska ont régulièrement brandi la menace d'organiser un référendum sur l'indépendance, sans toutefois passer à l'acte.

"Si l'intégrité territoriale de la Bosnie devait être mise en cause, le risque d'avoir de nouvelles violences et un nouveau conflit ne serait pas exclu", met en garde M. Latal.

Ancien Haut représentant international en Bosnie (2002-2006), le Britannique Paddy Ashdown a appelé début novembre l'UE et Washington à "se réveiller" et à "percevoir le danger" d'une désintégration de la Bosnie, pays qui, en raison de permanentes querelles politiques, s'est retrouvé à la traîne du rapprochement des Balkans à l'UE.

Pour M. Latal, un engagement "sérieux" de la communauté internationale est nécessaire pour "garantir l'intégrité territoriale de la Bosnie" et laisser les Bosniens parvenir seuls à un compromis sur l'organisation de leur pays.