Au troisième anniversaire jeudi de leurs pourparlers à Cuba, le gouvernement colombien et la guérilla des Farc ont assuré n'avoir jamais été si près de la paix mais admis que des obstacles de taille restent à franchir pour tourner la page d'un demi-siècle de conflit.
"La perspective de parvenir à un accord final brille comme jamais sur l'horizon colombien", a salué devant la presse le chef négociateur des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) Ivan Marquez.
Ce processus de paix, quatrième tentative pour mettre fin à un conflit de plus de 50 ans, "a progressé comme jamais auparavant", a renchéri son homologue du camp gouvernemental Humberto de la Calle.
Depuis le 23 septembre et une poignée de main historique à La Havane entre le chef suprême de la plus vieille rébellion du pays, Timoleon Jimenez, et le président colombien Juan Manuel Santos, la paix paraît en effet à la portée des négociateurs.
Prenant tout le monde de court, les deux hommes ont annoncé ce jour-là un accord sur le sort judiciaire des combattants, point crucial des négociations, tout en se donnant un délai maximum de six mois pour signer un accord de paix.
Tenus sans cessez-le feu sous la médiation de Cuba et de la Norvège, les pourparlers ont déjà abouti à des accords sur des points importants : réforme rurale, lutte anti-drogue, participation des ex-guérilleros à la vie politique.
En parallèle, Farc et gouvernement ont lancé un plan de déminage et formé une "Commission de la vérité" devant faire la lumière, probablement dès fin 2016, sur les exactions commises durant le conflit.
- Trêve bilatérale 'prête à plus de 90%' -
En signe de bonne volonté, les Farc ont annoncé suspendre les enlèvements contre rançon et l'achat d'armes, et observent depuis le 20 juillet un cessez-le-feu unilatéral, dans l'attente d'une trêve bilatérale promise par le président Santos d'ici fin 2015.
Selon M. Marquez, le projet de cessez-le-feu bilatéral est prêt "à plus de 90%".
Mais au Palais des Conventions de La Havane, l'euphorie et l'apparente concorde de septembre ont laissé place ces dernières semaines à des désaccords et des blocages persistants.
La guérilla accuse les négociateurs du gouvernement de vouloir revenir sur l'accord sur le volet judiciaire, alors que Bogota affirme que certains points restent à définir. Début octobre, une équipe de juristes a été chargée de régler ce différend, pour pouvoir boucler d'ici la fin de l'année ce chapitre en discussions depuis plus de 15 mois.
En outre, avant même que le sujet soit officiellement abordé, les parties s'écharpent sur le mode de ratification d'un éventuel accord de paix final.
Le gouvernement reste ferme sur sa volonté de le valider par référendum. La guérilla refuse, craignant la portée de la réforme constitutionnelle devant encadrer ce référendum, qui prévoit notamment que le gouvernement puisse légiférer par décret pour faire appliquer l'accord.
- De la minutie requise -
"Nous faisons face aujourd'hui à de grandes difficultés", constatait jeudi Ivan Marquez, également numéro deux des Farc, pointant du doigt "l'unilatéralisme" et "l'entêtement obstiné" du camp adverse.
"Nous nous trouvons sur la dernière ligne droite, mais nous ne pouvons pas nier que nous abordons les thèmes les plus complexes", constatait plus sobrement M. de la Calle.
"C'est comme si on avait cousu une pièce de tissu et qu'il ne manquait que les bords, ce qui requiert de la minutie parce que c'est très délicat", observe Ariel Avila, analyste de la Fondation Paix et Réconciliation interrogé par l'AFP.
En outre, si les désaccords actuels sont dépassés, un autre gros morceau restera à négocier : l'abandon des armes et son corolaire, la sécurité des ex-combattants des Farc après le conflit.
Mais avec une date butoir fixée au 23 mars prochain, il est clair pour les négociateurs que cette tentative de paix doit être la bonne. Pour enfin tourner la page d'un conflit ayant fait au moins 220.000 morts, des dizaines de milliers de disparus et six millions de déplacés.