(Dakar, le 29 novembre 2016) – Le procès de l’auteur du coup d’État perpétré en 2012 au Mali, le général Amadou Haya Sanogo, et de 17 coaccusés, parmi lesquels d’autres membres de l'armée malienne, doit s’ouvrir le 30 novembre 2016 dans la ville de Sikasso, dans le sud du pays. Les prévenus sont accusés de l'enlèvement et du meurtre de Bérets rouges, des soldats d’élite maliens qui ont été détenus avant de « disparaître » entre le 30 avril et le 1er mai 2012, en raison de leur participation présumée au contre-coup d’État du 30 avril 2012 contre Sanogo et les forces qui lui étaient restées fidèles.
La déclaration suivante est de Corinne Dufka, directrice adjointe de la Division Afrique de Human Rights Watch :
« Le procès du général Sanogo et de ses coaccusés représente un progrès manifeste dans la lutte contre la culture de l'impunité au Mali. Trop longtemps, des hommes comme Sanogo ont été considérés comme intouchables et au-dessus de l'état de droit. Aujourd'hui, les victimes et les membres de leurs familles se rapprochent de la justice.
Cependant, les progrès représentés par ce procès, bien que significatifs, ne constituent qu’une première étape dans la lutte contre l'impunité au Mali. Les proches de nombreuses autres victimes attendent que justice soit rendue pour les crimes commis par toutes les parties pendant et après le conflit armé au Mali en 2012 et 2013. Au nombre ces crimes, figurent l'exécution sommaire par des groupes islamistes armés de dizaines de soldats maliens à Aguelhok ; les violences sexuelles et les pillages dont se rendus coupables divers groupes armés dans le nord du Mali ; et les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et actes de torture auxquels se sont livrées les forces de sécurité maliennes contre des suspects islamistes. »
En 2012, Human Rights Watch a interviewé 30 personnes qui ont fourni des informations détaillées sur les disparitions forcées d'une vingtaine de Bérets rouges, ainsi que sur la détention arbitraire, les actes de torture et les mauvais traitements infligés à des dizaines d'autres. Les conclusions de ces entretiens ont été rendues publiques dans un communiqué de presse en date de juillet 2012.
Des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que les exactions avaient été commises par des soldats, des policiers et des membres de la garde nationale fidèles à Sanogo depuis le coup d’État de mars 2012. La mère d’un soldat disparu a expliqué que son fils avait eu accès à un téléphone et l’avait appelée le 1er mai dans l’après-midi. Elle a déclaré : « Mon fils avait l’air tellement effrayé.… Il a dit que les militaires discutaient entre eux pour voir s’ils allaient ou non tuer mon fils et les autres détenus. … Il avait tellement peur. »
Des témoins ont affirmé que des soldats et des policiers avaient traîné par terre des détenus menottés et ligotés, les avait battus avec des matraques, des bâtons et des crosses de fusil, et leur avaient donné des coups de pied dans le dos, à la tête, dans les côtes, dans les parties génitales et ailleurs. D’autres ont reçu des coups de couteau aux extrémités ou ont été brûlés avec des cigarettes et des briquets dans le dos et sur les mains, les bras et les oreilles. Des détenus ont été soumis à des séances d’asphyxie pendant les interrogatoires, d'autres enchaînés et menottés pendant des jours entiers.
Des témoins au camp de Kati ont signalé que le 3 mai entre 2 et 3 heures du matin, des soldats avaient emmené les détenus et les avaient fait monter dans un camion de l’armée. Selon un témoin présent à Kati cette nuit-là : « Ils les ont fait sortir, leur ont ligoté les mains et les jambes et bandé les yeux ; depuis lors, on n’en a plus jamais entendu parler et on ne les a plus jamais vus. » Un autre témoin a remis à Human Rights Watch une liste manuscrite de 21 détenus aperçus par un témoin alors qu’ils étaient emmenés hors du camp.
Cet article a été précédemment publié par Human Rights Watch.