Le procureur a requis mercredi la perpétuité contre l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic, accusé d'avoir entrepris le "nettoyage ethnique" d'une partie de la Bosnie en vue de créer un État serbe ethniquement pur.
"Ce serait une insulte aux victimes vivantes et décédées, un affront à la justice de le condamner à toute autre peine qu'à la plus sévère: la perpétuité", a déclaré le procureur Alan Tieger devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye.
Alors que son procès connaît sa dernière semaine au terme de procédures entamées en 2012, celui qui est surnommé "le boucher des Balkans" doit répondre de onze chefs d'accusation de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis lors de la guerre de Bosnie (1992-1995), qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
"Le temps est venu pour le général Mladic d'être tenu responsable pour les crimes commis contre chacune de ses victimes et la communauté qu'il a détruite", a ajouté M. Tieger.
La défense doit débuter vendredi et pour trois jours sa plaidoirie.
Pour l'accusation, qui clôture trois jours de réquisitoire, l'accusé était "aux commandes" des forces serbo-bosniaques qui "ont commis un schéma constant de crimes", même s'il tente désormais de "se soustraire à la responsabilité de ce dont il s'était autrefois vanté".
- Des pluies d'obus -
Ratko Mladic, 74 ans, doit notamment répondre du massacre de près de 8.000 hommes et garçons musulmans en juillet 1995 à Srebrenica, seul génocide reconnu jusqu'à présent par le TPIY.
Expulsés de cette enclave, femmes et personnes âgées marchaient, bagages et enfants sur le dos et dans les bras, affamés et épuisés, d'après une vidéo diffusée à l'audience. "Mon mari a probablement été tué maintenant. J'ai quatre enfants, je n'ai plus qu'à souffrir avec eux", déclarait une femme en pleurs.
Des obus tombaient "des deux côtés de la route tout autour des personnes en fuite", a rapporté Peter McCloskey pour l'accusation.
Six accusés ont été reconnus coupables de ce qui est le pire massacre commis en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale. Parmi eux, l'ancien chef politique Radovan Karadzic, qui a fait appel de sa condamnation à quarante ans de détention.
Le TPIY avait alors estimé qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes pour affirmer au-delà de tout doute raisonnable qu'un génocide avait été commis dans sept autres municipalités.
Or, pour l'accusation, il ne fait aucun doute qu'il y avait, dans les crimes menés dans une municipalité comme Prijedor, "l'intention de détruire une communauté et de l'empêcher de se reconstruire".
"Et le mot désignant des crimes commis avec cette intention est génocide", avait conclu M. Tieger, cherchant à convaincre les juges à condamner Ratko Mladic sous ce chef d'accusation dans un verdict qui serait alors historique.
- 'Tirer sur tout ce qui bouge' -
Là, dans les camps, des hommes étaient frappés à coups de batte de base-ball, blessés au couteau ou forcés à boire de l'huile de moteur, a encore raconté Arthur Traldi pour l'accusation.
Les détenus étaient enfermés dans des "pièces surpeuplées maculées de sang". Les femmes et les filles, âgées parfois de douze ans à peine, étaient violées.
L'ex-chef militaire est également accusé de l'enlèvement de personnel des Nations unies et du siège de Sarajevo, long de 44 mois et durant lequel 10.000 civils sont morts, fauchés par des tirs de mortiers ou des snipers.
Dans cette ville encerclée de barrières de béton et de fils de fer, les habitants, privés d'eau, d'électricité et de gaz, brûlaient portes et chaussures pour se chauffer et étaient "forcés à manger de l'herbe et des feuilles bouillies", selon Adam Weber, membre de l'accusation.
L'ordre donné aux forces serbo-bosniaques était de "tirer sur tout ce qui bougeait".
Costume sable et cravate bordeaux, Ratko Mladic, l'air maussade et agité, fixait la tribune du public, grimaçait, lisait le journal. A la fin du réquisitoire, il a fait un geste réclamant une pause.
Son procès est le dernier pour le TPIY.