Une année après la fermeture du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), la structure créée par les Nations unies pour assurer les fonctions résiduelles de cette juridiction, en appelle à la coopération des Etats pour l’arrestation des huit accusés encore en fuite. Parmi eux, figurent le célèbre homme d’affaires Félicien Kabuga souvent présenté comme l’argentier du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, l’ex-ministre de la Défense, Augustin Bizimana, et le major Protais Mpiranya, qui commandait la garde de l’ex-président Juvénal Habyarimana.
« Rechercher et arrêter les huit derniers accusés du TPIR encore en fuite » constitue l’une des priorités du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), a déclaré le procureur de l’institution Serge Brammetz lors d’une allocution jeudi 8 décembre devant le Conseil de sécurité de l’ONU. « Toutes les victimes partagent un même espoir : voir jugés les auteurs des crimes qu’elles ont subis. C’est pourquoi, il demeure essentiel que ces huit fugitifs soient arrêtés et traduits en justice », a insisté le magistrat belge, venu, en compagnie du président du MTPI, le juge américain Theodor Meron, présenter un rapport aux Nations unies.
Les huit fugitifs
Le plus célèbre de ces huit accusés encore en fuite est l'homme d'affaires Félicien Kabuga, présenté par l’accusation comme le financier du génocide des Tutsis de 1994. Le bureau du procureur au TPIR a souvent affirmé que Kabuga se cachait au Kenya. D'autres sources pensent cependant qu’il serait aujourd'hui décédé. Accusé notamment d'avoir commandé les machettes utilisées pour tuer les Tutsis en 1994, Kabuga était membre du parti présidentiel, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) et président du Comité d'initiative de la tristement célèbre Radio - télévision libre des mille collines (RTLM) qui distillait des appels à la haine ethnique.
Sur la liste, figure également l'ex-ministre de la Défense, Augustin Bizimana, également membre du MRND, le parti de l'ex-président hutu Juvénal Habyarimana, dont l'assassinat le 6 avril 1994 avait déclenché le génocide. Le TPIR a souvent affirmé, avant sa fermeture, que l’ex-ministre se cachait dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) alors que des milieux rwandais en exil disent qu'il est mort au Congo-Brazzaville. L’ancien officier, longtemps membre du commandement des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) basées en RDC, serait protégé, selon l’ex- TPIR, par de hauts responsables zimbabwéens, alors que d'autres sources le donnent pour mort.
Kabuga, Bizimana et Mpiranya devront être jugés, s'ils sont arrêtés un jour, par le MTPI alors que les dossiers des cinq autres inculpés en fuite ont été confiés à la justice rwandaise.
La recherche ne se limite pas aux huit accusés du TPIR
« Nous avons élaboré des stratégies pour chacun des fugitifs. Nous redoublons d’efforts dans le domaine de la communication et de la sensibilisation, en particulier en collaboration avec Interpol et avec les autorités nationales », a révélé Serge Brammetz, indiquant qu’il espérait « pouvoir annoncer à l’avenir que ces nouveaux efforts auront porté leurs fruits ». Le procureur du MTPI a souligné que « la recherche des fugitifs ne se limite pas aux huit dernières personnes mises en accusation par le TPIR ». « Les autorités rwandaises, a-t-il dit, ont identifié plus de 500 suspects qui se trouvent dans d’autres pays ». Il a demandé que des poursuites soient engagées « lorsque des preuves suffisantes de culpabilité existent » et a encouragé « les États tiers à coopérer avec les autorités rwandaises afin que ces affaires soient menées à terme ».
« Le Mécanisme continue de dépendre de la coopération des Etats pour ce qui est de l’arrestation des derniers fugitifs, de l’exécution des peines, et de la solution à apporter à la question délicate des personnes acquittées ou libérées » par le TPIR, a renchéri Theodor Meron, président du MTPI « J’invite tous les Etats membres à appuyer nos efforts dans ces domaines », a demandé le juge Meron.
Des représentants de plusieurs se sont par la suite exprimés, dont l’Américaine Isobel Coleman, qui a rappelé que son pays offrait d’importantes récompenses pour toute information pouvant conduire à l’arrestation des huit accusés en fuite.
Le Rwanda a salué les récentes extraditions
Pour sa part, la déléguée du Rwanda, Valentine Rugwabiza a regretté qu’aucun des accusés du TPIR encore en fuite n’ait été arrêté au cours des cinq dernières années. Elle a exhorté tous les États, notamment ceux qui accueillent des fugitifs, à respecter leurs obligations. La diplomate rwandaise a salué, en revanche, les récentes extraditions par le Canada, les Pays-Bas et les États-Unis, de Rwandais accusés de participation au génocide. Le Canada a renvoyé au Rwanda, le mois dernier, l’ancien sous-lieutenant des Forces armées rwandaises (FAR) Henri - Jean- Claude Seyoboka. Au cours du même mois, les Pays-Bas ont extradé deux autres suspects, dont Jean-Baptiste Mugimba, qui était secrétaire national de la Coalition pour la défense de la République (CDR), un parti extrémiste hutu dissous par les nouvelles autorités rwandaises après le génocide. Pour leur part, les Etats-Unis ont remis à la justice rwandaise fin septembre dernier l’universitaire et ancien dirigeant syndical Léopold Munyakazi.
Valentine Rugwabiza est enfin revenue sur la question des archives du TPIR que le Rwanda ne cesse de réclamer, en faisant valoir qu’elles font partie de son histoire. Un immeuble des Nations unies destiné notamment à abriter ces archives a été inauguré le 25 novembre dernier dans la banlieue de la petite ville tanzanienne d’Arusha où siégeait le TPIR.