C’est une procédure judiciaire hautement symbolique qui s’est ouverte le 30 novembre au Mali même s’il faudra attendre l’année prochaine pour entrer dans le fond de l’affaire. Les victimes attendaient avec impatience la comparution d’Amadou Haya Sanogo et ses 17 co-accusés poursuivis pour le massacre de 21 « bérets rouges ». Ces soldats avaient tenté « un contre- coup d’Etat » après le renversement en 2012 par Haya Sanogo du président Amadou Toumani Touré. La société civile s’attend à ce que ce procès marque le début de la lutte contre l’impunité à travers une justice indépendante.
Au moment de son coup d’Etat, le 22 mars 2012, Amadou Haya Sanogo, n’a que le grade de capitaine au sein d’une armée qui compte de nombreux officiers beaucoup plus haut gradés. Après le putsch, il s’empare du pouvoir à la tête d’une junte militaire. Mais ce coup de force est loin de faire l’unanimité au sein de l’armée. Des « bérets rouges » tentent ainsi un contre - coup d’Etat à Kati et Bamako en mai 2012. Ils vont le payer de leur vie. Vingt-et-un d’entre eux sont enlevés et assassinés.
Promu entre-temps général de corps d’armée, le tombeur du président Amadou Toumani Touré sera arrêté le 27 novembre 2013, écroué à Bamako, avant d’être assigné à résidence surveillée dans une villa à plus de 100 kilomètres au sud de la capitale.
Très attendu, son procès s’ouvre à Sikasso, le 30 novembre 2016, soit trois ans après son arrestation. Mais la Cour d’assises a du mal à entrer dans le fond du dossier à cause de l’absence des témoins et des exceptions soulevées par les avocats de la défense. Une de ces exceptions concerne l’expertise médicale des ossements découverts en décembre 2013 dans un charnier près de Diago. Après avoir entendu certains avocats de la défense qui contestent cette expertise, la Cour a ordonné le 7 décembre une nouvelle expertise et a reporté le procès à la prochaine session qui pourrait s’ouvrir en mars 2017.
Malgré ce démarrage heurté, les organisations de défense des droits de l’Homme saluent un grand événement : voir Amadou Haya Sanogo devant ses juges après une longue procédure et de multiples rebondissements. Trop longtemps, des hommes comme Sanogo ont été considérés au Mali comme intouchables et au-dessus de l’état de droit.
Ainsi, la section locale d’Amnesty Internationale demande à la justice du Mali de « veiller à ce que toutes les victimes de violations des droits humains puissent bénéficier de toutes les formes de réparation, y compris des mesures de restitution, d’indemnisation, de satisfaction et de garanties de non-répétition ».
Le septentrion demande justice
De son côté, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, profite de l’ouverture de ces assises pour « encourager le Mali à poursuivre ses efforts dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes graves ». La juriste gambienne réitère que, « dans un esprit de complémentarité, son bureau reste disposé s’il est sollicité en ce sens, à prêter assistance pour soutenir les efforts déployés par les autorités judiciaires dans la limite de son mandat pour continuer à favoriser la mise en œuvre au Mali de véritables procédures nationales à l’égard des crimes relevant de la compétence de la CPI ».
La déclaration de Bensouda fait manifestement allusion à la situation dans le septentrion, une zone trouble où d’innombrables victimes réclament justice pour les crimes commis par groupes armés, djihadistes et éléments des Forces armées maliennes. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), 220 personnes arrêtées en relation avec le conflit dans le Nord ont été libérées dans le cadre des mesures de confiance de l’Accord de paix entre le gouvernement et les différents groupes armés. Au moins 46 d’entre elles seraient des auteurs présumés de crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou d’autres graves violations des droits humains.
En clair, la CPI et la FIDH exhortent les autorités maliennes à faire de la lutte contre l’impunité une réalité. La FIDH propose même l’instauration, au sein de la justice malienne, d’un « pôle judiciaire » spécialisé dans les crimes les plus graves.
Déjà engagés dans un difficile processus de réconciliation, les Maliens s’attendent donc à ce que le procès Sanogo marque le début de la lutte contre l’impunité à travers une justice exemplaire, impartiale et indépendante, quels que soient la nature et la gravité des crimes, l’identité de leurs auteurs, la région où le contexte dans lesquels ils ont été commis.