L'ambassadeur de Russie en Turquie a été assassiné lundi à Ankara par un policier turc, qui a affirmé agir pour venger le drame de la ville d'Alep, en passe de tomber aux mains du régime syrien soutenu par Moscou.
Le diplomate Andreï Karlov a été abattu de plusieurs balles alors qu'il prononçait une allocution lors de l’inauguration d'une exposition d'art dans la capitale turque.
Sur une vidéo de la scène diffusée sur les réseaux sociaux, on voit l'assassin présumé hurlant, d'abord en arabe avec un accent marqué, puis en turc, alors que l'ambassadeur est allongé à terre à côté de lui.
L'homme, en costume noir et armé d'un pistolet crie "Allah Akbar" ("Dieu est le plus grand") et évoque en arabe "ceux qui ont font allégeance au jihad". "N'oubliez pas la Syrie, n'oubliez pas Alep", a-t-il ensuite crié en turc à deux reprises.
"Tous ceux qui prennent part à cette tyrannie rendront des comptes, un par un", a-t-il ajouté.
"Pendant que l'ambassadeur faisait un discours, un homme grand, portant un costume, a tiré d'abord en l'air, puis a visé l'ambassadeur", a raconté à l'AFP Hasim Kiliç, correspondant du quotidien Hürriyet dans la capitale turque et présent sur les lieux au moment de l'attaque. Trois autres personnes ont été blessées dans l'attaque, selon les médias turcs.
L'assassin présumé était "de la police", a affirmé le maire d'Ankara, Melih Gökçek. Selon le quotidien progouvernemental Yeni Safak, il était membre des forces anti-émeutes.
Une perquisition est en cours à son domicile, a annoncé le parquet.
A Moscou, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a dénoncé "un acte terroriste" en annonçant que l'ambassadeur avait succombé à ses blessures. "Les assassins seront punis", a-t-elle assuré.
Né en 1954, Andreï Karlov avait été nommé dans la capitale turque en juillet 2013.
- Assaillant 'neutralisé' -
"La personne qui a mené l'attaque à main armée contre Karlov a été neutralisée au cours d'une opération", a fait savoir l'agence de presse progouvernementale Anadolu, sans préciser si l'assaillant était mort ou vivant. Des photos le montrant à terre, visiblement mort, avec des impact de balle sur le mur derrière lui, ont toutefois été diffusées sur les réseaux sociaux.
Les Etats-Unis ont condamné "cet acte de violence, quelle qu'en soit l'origine". La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini s'est dite "profondément choquée" par cet assassinat dans un message à son homologue russe Sergueï Lavrov, tandis que le président français François Hollande a condamné l'assassinat "avec force".
La Syrie, où la Russie apporte un soutien militaire crucial au régime de Bachar al-Assad, a condamné un "crime abominable".
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé son homologue russe Vladimir Poutine pour "lui donner des informations sur l'attaque", a indiqué le porte-parole du chef de l'Etat turc. Le ministère turc des Affaires étrangères a de son côté affirmé qu'Ankara tâcherait de préserver l'"amitié" turco-russe après cet assassinat.
"Les deux parties font en sorte qu'il n'y ait pas d'impact, Vladimir Poutine et Erdogan se sont déjà parlé", a estimé Dominique Moisi, conseiller spécial de l'Institut Montaigne, un think tank basé à Paris. "Je ne crois pas qu'il y ait de conséquence considérable, mais sur un plan symbolique, ça montre que ce qui se passe à Alep ne passe pas auprès d'une partie de la population musulmane".
Cet attentat est survenu à un moment où les relations turco-russes connaissent une embellie depuis plusieurs mois après une grave crise diplomatique née de la destruction en novembre 2015 par l'aviation turque d'un avion militaire russe au-dessus de la frontière syro-turque.
C'est d'ailleurs à la faveur d'un accord de cessez-le-feu parrainé par la Turquie et la Russie que les quartiers rebelles d'Alep sont évacués depuis jeudi, une opération à l'issue de laquelle le régime pourra reprendre le contrôle de toute la ville.
La Russie est pourtant le principal allié du régime syrien, qui est en passe de reprendre Alep, la deuxième ville de Syrie, alors que la Turquie soutient les rebelles qui cherchent à renverser le président syrien Bachar al-Assad.
Une réunion axée sur le dossier syrien était d'ailleurs prévue pour mardi à Moscou entre les chefs des diplomaties russe, turque et iranienne.