Le gouverneur chrétien de Jakarta jugé pour insulte à l'islam a comparu mardi devant un tribunal de la capitale indonésienne lors d'une courte audience consacrée aux charges qu'il conteste et lui font encourir jusqu'à cinq ans de prison dans ce pays musulman.
Cette affaire a déchaîné les passions dans l'archipel d'Asie du Sud-Est et déclenché des manifestations massives de partisans d'une ligne dure de l'islam contre Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, le premier gouverneur chrétien de Jakarta depuis plus d'un demi-siècle.
Issu d'une double minorité -- chrétienne et chinoise -- Ahok a provoqué une vague de contestation depuis sa prise de position controversée sur l'islam en septembre, en pleine campagne pour l'élection du gouverneur en février, un scrutin auquel il est candidat et qui s'annonce serré.
Connu pour son franc-parler, Ahok avait déclaré que l'interprétation par certains oulémas (théologiens musulmans) d'un verset du Coran selon lequel un musulman ne doit élire qu'un dirigeant musulman était erronée. Ces déclarations mises en ligne avaient provoqué de vives réactions d'islamistes conservateurs dans ce pays de 255 millions d'habitants dont près de 90% sont musulmans.
Ahok s'était excusé peu après, mais la colère n'est pas retombée. Deux manifestations à l'appel d'organisations islamistes réclamant l'incarcération du gouverneur ont réuni des centaines de milliers de musulmans en novembre et décembre à Jakarta.
Lors de la première audience devant le tribunal le 13 décembre, Ahok s'était exprimé avec émotion, s'arrêtant plusieurs fois pour essuyer ses larmes, en insistant sur son innocence.
Mardi, le procureur a répondu aux objections des avocats de la défense qui contestent les charges retenues contre leur client.
A l'extérieur du tribunal, des dizaines d'islamistes partisans d'une ligne dure ont exhibé des pancartes réclamant l'incarcération du gouverneur, tandis que des partisans d'Ahok exigeaient sa relaxe.
Le procès a été suspendu jusqu'au 27 décembre. Les juges se prononceront alors sur la validité des charges.
La quasi-totalité des procès pour blasphème se sont achevés par des condamnations en Indonésie.
L'affaire très médiatique concernant le gouverneur de Jakarta est considérée par de nombreux observateurs comme un test pour la tolérance religieuse dans ce pays dont la réputation de pluralisme s'est érodée ces dernières années avec la multiplication d'attaques visant les minorités, notamment chrétienne.