Yahya Jammeh, qui a dirigé la Gambie 22 ans et conteste sa défaite à l'élection présidentielle du 1er décembre dans son pays, n'est pas menacé de poursuites par le pouvoir d'Adama Barrow, vainqueur déclaré du scrutin, a affirmé mardi soir à l'AFP le porte-parole de l'opposition.
L'organisation ouest-africaine Cédéao, qui presse le président battu de quitter le pouvoir, a demandé si le prochain pouvoir "envisageait de poursuivre Yahya Jammeh. Il n'y a aucune indication de menace ou de nécessité de menace (de poursuites) contre le président sortant Yahya Jammeh", a déclaré Halifa Sallah, porte-parole de la coalition de l'opposition.
"La coalition et le président élu Adama Barrow n'ont jamais rien indiqué qui puisse être considéré comme une menace contre le président sortant, et c'est ce que la Cédéao voulait que la coalition clarifie, afin que les négociations pour un transfert pacifique du pouvoir puissent se poursuivre", a ajouté M. Sallah.
"Le président Barrow a dit qu'il allait traiter le président sortant Yahya Jammeh comme un ancien chef d'Etat et le solliciterait pour des conseils" après son départ du pouvoir, a-t-il précisé.
La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays) a dépêché le 13 décembre à Banjul une mission de quatre chefs d'Etat - dont la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, présidente en exercice de l'organisation, et le Nigérian Muhammadu Buhari - pour convaincre M. Jammeh de céder le pouvoir. Sans succès.
Le même jour, les forces de sécurité ont pris possession des locaux de la Commission électorale indépendante (IEC) à Banjul, et le parti de M. Jammeh a saisi la Cour suprême pour demander l'annulation des résultats du scrutin accordant la victoire à Adama Barrow par quelque 19.000 voix d'écart.
La situation en Gambie a de nouveau dominé l'agenda de la Cédéao réunie en sommet le 17 décembre à Abuja. A l'issue de la rencontre, l'organisation a redemandé à Yahya Jammeh de reconnaître sa défaite et de ne pas compromettre un transfert pacifique du pouvoir à Adama Barrow.
Lors ce sommet, les dirigeants ouest-africains ont aussi décidé de "garantir la sécurité et la protection" de M. Barrow et de se rendre à Banjul pour son investiture le 19 janvier, à l'expiration du mandat de M. Jammeh.
En cas d'échec de la "diplomatie préventive", la Cédéao pourrait prendre "des décisions plus draconiennes", avait déclaré à la veille du sommet le président de la Commission de l'organisation, Marcel Alain de Souza, à la radio française RFI, qualifiant l'option militaire de "solution envisageable".
- "Privilégier une solution négociée" -
Selon Halifa Sallah, les discussions à Abuja impliquent deux responsables de l'opposition, Mai Fatty et Amath Ba, encore présents mardi au Nigeria et qui ont réitéré les assurances de M. Barrow à la Cédéao.
"Chaque Gambien, y compris Yahya Jammeh, a droit à la liberté de mouvement, y compris celle de se déplacer n'importe où en Gambie et celle de quitter le pays", a encore affirmé M. Sallah.
Selon lui, la future administration entend "faire reculer l'impunité en établissant un système judiciaire qui sera respecté par tous les Gambiens" et sera reconnu comme le système idoine "même par ceux qui ont commis des injustices".
Outre la Cédéao, d'autres pays et institutions, dont l'ONU, réclament un transfert pacifique du pouvoir en Gambie, comme la France mardi par la voix de son président François Hollande.
Les résultats de la présidentielle gambienne "sont incontestables", et M. Barrow "doit être installé le plus vite possible", a déclaré M. Hollande à l'issue d'un entretien avec son homologue sénégalais Macky Sall en visite d'Etat à Paris.
La semaine dernière, Macky Sall avait recommandé de faire primer la paix civile sur les revendications de justice, en dépit de nombreuses violations des droits de l'Homme imputées au régime de Yahya Jammeh dans son pays de moins de deux millions d'habitants, une ex-colonie britannique totalement enclavée dans le Sénégal à l'exception d'une façade sur l'Atlantique.
"Il y a eu certainement des crimes" en Gambie, avait indiqué M. Sall sur France 24, mais "si nous ne privilégions pas une solution négociée, évidemment le coût à payer pourrait être beaucoup plus important", avait-il prévenu.