Nouvel échec de l’ONU à imposer un embargo sur les armes au Soudan du Sud

Nouvel échec de l’ONU à imposer un embargo sur les armes au Soudan du Sud©Photo Rocco Nuri/HCR
Des milliers de personnes déplacées dans le complexe de l'Eglise Emmanuel à Yei, au Soudan du Sud
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Réuni vendredi 23 décembre, le Conseil de sécurité n’a pas réussi à imposer un embargo sur les armes au Soudan du Sud ainsi que des sanctions ciblées contre trois dirigeants de ce pays. L’objectif du projet de résolution présenté par les Etats-Unis était de mettre fin à l’impunité dans ce pays où des crimes de guerre ont été documentés par des enquêteurs de l’Union africaine et des Nations unies. Une précédente tentative d’imposer un embargo sur les armes à destination du Soudan du Sud avait échoué le mois dernier.

 

Sept membres ont voté en faveur du texte. Il s’agit, en plus des États-Unis qui avaient présenté le projet de résolution, de l’Espagne, de la France, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni, de l’Ukraine et de l’Uruguay.

Conduits par la Chine et la Russie, les huit autres se sont abstenus.

« Nous aurons cela sur notre conscience », a déclaré la représentante des Etats-Unis, Samantha Power, estimant que l’échec du projet de résolution envoyait un message d’impunité. Elle a reproché aux huit pays qui se sont abstenus de ne pas entendre les appels lancés par de hauts responsables de l’ONU, dont le secrétaire général lui-même. Certes, l’embargo sur les armes n’aurait pas tout résolu, a-t-elle dit, mais il aurait eu un certain effet.  Sans nommer les personnes ciblées, la diplomate américaine a expliqué que les sanctions proposées visaient trois dirigeants qui ont un lourd passé de violences ethniques contre les civils.

Abondant dans le même sens, le délégué de la France, François Delattre, a expliqué que cet embargo aurait également pu être un instrument au service du processus politique, en favorisant le camp de la paix.  

« Nous avons failli à notre devoir aujourd’hui », a renchéri le représentant du Royaume-Uni, Matthew Rycroft, affirmant que le Conseil de sécurité venait de perdre une bonne occasion  d’endiguer le flux des armes et de viser des personnes au sommet du gouvernement et de l’opposition.  « Au lieu de cela, nous n’avons rien fait », s’est-il indigné en invitant les délégués à interroger leur conscience. 

Prochaine tenue d’un dialogue national

Dans l’autre camp, les intervenants ont souligné que la président du Soudan du Sud, Salva Kiir, avait annoncé récemment la tenue d’un dialogue national et que l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD, une organisation régionale dont le Soudan du Sud est membre) avait également pris des engagements en faveur de la paix dans le pays. 

« N’êtes-vous pas en train d’utiliser le Conseil de sécurité pour vos intérêts nationaux en voulant imposer des sanctions au Soudan du Sud? » a donc lancé Petr Iliichev, de la Fédération de Russie, en s’adressant à son homologue des Etats-Unis. Il a critiqué un projet de résolution qui ignore les positions des autres membres du Conseil de sécurité et surtout celle des pays de la région où se déroule le conflit.  « Vous n’avez pas non plus tenu compte de la position des pays fournisseurs de contingents et des possibles répercussions qu’une telle résolution aurait eu sur les relations entre le gouvernement du Soudan du Sud et la MINUSS » (Mission de l’ONU au Soudan du Sud), s’est de nouveau indigné le délégué russe. Appuyant son homologue russe, le représentant de la Chine, Wu Haitao, a averti que les actions du Conseil de sécurité ne devraient pas aller à l’encontre des avis de l’IGAD et de l’Union africaine.  Il a enfin annoncé que son pays avait récemment dépêché un émissaire au Soudan du Sud afin de faciliter le dialogue entre les parties en conflit.

Qualifiant de «de « malheureuse et inopportune » la présentation du projet de résolution, le délégué du Soudan du Sud, Joseph Moum Majak Ngor Malok,  a affirmé que les sanctions durcissent les positions au lieu de favoriser la coopération.  Il a ajouté qu’un embargo sur les armes ne ferait qu’affaiblir le gouvernement et renforcer les nombreux groupes et milices armés.

Qui sera le facilitateur du dialogue ?

Dans une déclaration commune après le vote, une coalition de sept organisations non-gouvernementales s’est interrogée sur l’importance du dialogue national annoncé par le président Salva Kiir. « Dans un pays où les médias ne peuvent pas couvrir la situation politique et où beaucoup de défenseurs de la société civile, craignant pour leur sécurité, ont cherché refuge dans les pays voisins, qui est-ce qui reste pour participer à ce dialogue ? », s’est interrogé David Abramowitz, de l’Ong Humanity United. Il a par ailleurs demandé qui sera le facilitateur de ce dialogue et qui garantira la sécurité des participants. Cette coalition, qui comprend également Amnesty International et Human Rights Watch,  a enfin appelé l’IGAD, l’Union africaine et les Nations unies à jouer un plus grand rôle pour mettre fin à l’impunité et aux violations graves du droit international humanitaire au Soudan du Sud.

Depuis 2013, deux ans seulement après son indépendance, ce pays sombre dans une guerre civile sanglante entre partisans du président Salva Kiir et de son ancien vice-président Riek Machar, aujourd’hui en exil.