L'armée américaine a assuré que la cause du raid contre un hôpital de Médecins Sans Frontières qui a fait 30 morts en Afghanistan en octobre était "avant tout l'erreur humaine", s'engageant à sanctionner les responsables.
"L'accident tragique mais évitable (a été) causé avant tout par l'erreur humaine", a déclaré mercredi le général américain John Campbell, annonçant les conclusions de l'enquête du Pentagone.
Les personnes les plus directement impliquées dans l'incident ont été suspendues, a indiqué le général, qui dirige à la fois les 13.000 soldats étrangers de l'Otan en Afghanistan et le contingent américain dans ce pays.
Il a indiqué que des sanctions seraient prises, ajoutant que certaines règles d'engagement n'avaient pas été respectées.
L'hôpital a été "confondu" avec une autre cible, a-t-il expliqué, soulignant "l'épuisement" des troupes américaines, engagées depuis cinq jours dans de féroces combats contre les talibans à Kunduz, grande ville du nord qu'ils avaient conquise.
Le long bombardement des forces spéciales américaines a déclenché un tollé international.
Le président afghan Ashraf Ghani a estimé mercredi après les annonces américaines que le raid contre MSF était "une douloureuse illustration du prix de la guerre", le qualifiant d'"erreur qui doit être évitée".
Depuis le 3 octobre, la direction de MSF réfute catégoriquement le terme d'"erreur". Sa présidente Joanne Liu va même jusqu'à évoquer des "soupçons de crime de guerre" et exige une enquête internationale indépendante.
Outre l'enquête du Pentagone menée par trois généraux américains n'appartenant pas à l'état-major de l'Otan en Afghanistan, les faits font l'objet de deux autres investigations: une de l'Otan et une des forces afghanes.
L'ONG, doublement meurtrie par le bombardement de son hôpital de Kunduz et celui mené le 27 octobre contre celui de Haydan, au Yémen, a mis en ligne mercredi les photos et une courte notice biographique de ses 14 employés, tous afghans, tués à Kunduz.
- Règles d'engagement brisées -
Selon l'enquête américaine, à la suite d'une panne électronique notamment, les membres de l'équipage ont été privés d'outils de navigation précis et de communication pendant le raid, qui devait viser initialement un bâtiment des services de renseignement afghans conquis par les talibans.
"L'établissement médical a été confondu avec une cible par les personnels américains qui pensaient être en train de bombarder un autre bâtiment à quelques centaines de mètres de là, où ils avaient été informés de la présence de combattants", a indiqué le général Campbell.
"Les personnes ayant déclenché le raid et ceux qui l'ont exécuté depuis le ciel n'ont pas pris les mesures appropriées pour vérifier que cet endroit était une cible légitime" a-t-il poursuivi.
Juste après le bombardement, le général Campbell avait indiqué que la frappe américaine avait été demandée par l'armée afghane, soulignant que les forces américaines "ne prenaient pas pour cible" les hôpitaux, même si des ennemis y sont soignés.
Si MSF a récemment admis qu'une "vingtaine de talibans" étaient traités dans son hôpital, l'ONG souligne que ses équipes avaient transmis les coordonnées GPS de l'hôpital aux armées afghane et américaine avant le raid.
Elle avait en outre prévenu les états-majors dès que les premières bombes sont tombées, ce qui n'a pas empêché le bombardement de se poursuivre pendant près d'une heure.
Même une fois ses instruments de navigation rétablis, l'équipage a continué à frapper l'hôpital en se fiant à la description de la cible par les troupes au sol, sans vérifier ses coordonées GPS, ont indiqué les enquêteurs américains. En outre, le bombardement a continué en dépit du constat qu'il n'y avait pas de réaction hostile.
Les régles d'engagement de l'armée américaine ont été brisées par certaines des personnes impliquées dans le bombardement, a souligné le général de brigade Wilson Shoffner, lors de la même conférence de presse.
"Nous avons tiré les leçons de cet accident terrible", a assuré le général Campbell. "Nous prendrons également des mesures administratives et disciplinaires dans le cadre d'une procédure équitable".